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Si Dieu est bon pourquoi laisse-t-il faire tant de mal?

Article paru dans le magazine Tout.mag

Cette question, tous les chrétiens l’ont entendue et plusieurs la posent eux-mêmes. Elle revient momentanément lorsqu’une tragédie survient. La tuerie de Newtown en décembre dernier a ramené avec force cette question. Où était Dieu lorsqu’Adam Lanza vidait ses chargeurs sur ces enfants terrifiés? Comment un Dieu bon et tout-puissant peut-il assister passivement à un tel massacre? Devant cette difficulté morale, notre raison déchue conclue : ou Dieu n’est pas bon, ou Dieu n’est pas tout-puissant, ou Dieu n’est pas. L’homme régénéré cependant n’a pas l’intelligence enténébrée, mais renouvelée (Rm 12:2) et il est armé pour faire face aux forteresses de la raison dépravée (2 Co 10:5).

Quand Dieu doit-il intervenir?

L’existence est le lieu de rencontre entre le fini et l’infini, le temporel et l’éternel, le Dieu souverain et l’homme vulnérable. Nous vivons dans le temps et n’avons pas de contrôle sur les événements. Il en va autrement de Dieu, sa perspective étant radicalement différente de la nôtre. Sur la question du temps, par exemple, l’Écriture nous apprend ceci : « Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. » (2 P 3.8)

Pour nous, le facteur temporel a un grand impact dans la façon dont nous vivons les événements. Dieu, quant à lui, est hors du temps de sorte que ceux qui nous paraissent morts ou encore à venir sont perçus par Lui comme étant vivants et existants, « car pour lui tous sont vivants. » (Lc 20:38) Bien que Dieu intervienne dans le temps et dans l’histoire, il traite avec les hommes dans l’éternité. Temporellement Dieu ne nous semble pas intervenir lorsqu’une tragédie survient, mais il entre en jugement avec tout ce qui arrive.

8 L’Éternel juge les peuples: Rends-moi justice, ô Éternel ! Selon mon droit et selon mon innocence ! 9 Mets un terme à la malice des méchants, Et affermis le juste, Toi qui sondes les coeurs et les reins, Dieu juste ! 10 Mon bouclier est en Dieu, Qui sauve ceux dont le coeur est droit. 11 Dieu est un juste juge, Dieu s’irrite en tout temps. 12 Si le méchant ne se convertit pas, il aiguise son glaive, Il bande son arc, et il vise; 13 Il dirige sur lui des traits meurtriers, Il rend ses flèches brûlantes. 14 Voici, le méchant prépare le mal, Il conçoit l’iniquité, et il enfante le néant. 15 Il ouvre une fosse, il la creuse, Et il tombe dans la fosse qu’il a faite. 16 Son iniquité retombe sur sa tête, Et sa violence redescend sur son front. 17 Je louerai l’Éternel à cause de sa justice, Je chanterai le nom de l’Éternel, du Très-Haut. (Ps 7:8-17)

Ce psaume est-il seulement un vœu pieux? Une lubie dont s’aveuglent les croyants en faisant comme si le mal ne triomphait pas partout dans le monde? Au contraire! Il s’agit d’une vérité éternelle; en Lui-même Dieu a déjà jugé toute la conduite des hommes. Il est le Juge éternel, le Juge d’éternité. À ses yeux, aucune injustice ne perdure, le bien triomphe éternellement.

Comment Dieu intervient-il?

Dieu n’intervient pas en empêchant les hommes de pécher, mais en leur faisant rendre compte pour leurs péchés. Lorsqu’un crime est commis, il y a injustice. Lorsque le coupable est condamné justice est rendue. Dieu n’est pas passif devant le péché, mais sa colère est enflammée contre lui. Le jugement du monde par Dieu a lieu de deux façons. La première est la croix de son Christ. Avant d’aller subir la colère de Dieu pour le péché des croyants, Jésus déclare : « Maintenant a lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. » (Jn 12:31) La mort de Christ était une manifestation du jugement dernier. L’apôtre Paul explique que par ce jugement, Dieu a manifesté sa justice éternelle dans le temps et s’est montré juste tout en justifiant des impies :

25 C’est lui que Dieu a destiné, par son sang, à être, pour ceux qui croiraient victime propitiatoire, afin de montrer sa justice, parce qu’il avait laissé impunis les péchés commis auparavant, au temps de sa patience, afin, dis-je, 26 de montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus. (Rm 3:25-26)

Lorsqu’un homme déclare que Dieu est injuste puisqu’il laisse faire le mal, il faut rappeler à cet qu’il méconnait l’histoire : Dieu a déjà puni le mal à la croix. Le péché a reçu sa pleine condamnation lorsque le Christ a été fait péché et fut maudit (2 Co 5:21 ; Ga 3:13). Mais le péché d’Adam Lanza ou de Clifford Olson ou encore d’Adolphe Hitler fut-il puni à Golgotha? Dieu seul sait quels péchés furent condamnés sur son Fils, mais nous savons que « celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jn 3:36). Les péchés qui ne furent pas condamnés sur Jésus sont déjà condamnés par le jugement éternel de Dieu qui sera manifesté à la fin des temps. « C’est une multitude, une multitude, dans la vallée du jugement; Car le jour de l’Éternel est proche, dans la vallée du jugement. » (Jl 3:14)

Pourquoi Dieu n’empêche-t-il pas simplement le mal?

Au lieu de juger éternellement Adam Lanza, Dieu n’aurait-il pas dû l’empêcher de commettre cette tuerie? On arrive à comprendre comment Dieu répare le mal par sa justice, mais ne pourrait-il pas simplement empêcher le mal d’arriver? Du point de vue de son omnipotence, Dieu peut empêcher le mal de se produire et il le fait souvent (1 S 25:34). Mais il nous faut constater que Dieu a choisi de laisser les hommes libres de faire le mal. « Et que dire, si Dieu, voulant montrer sa colère et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère formés pour la perdition et s’il a voulu faire connaître la richesse de sa gloire envers des vases de miséricorde qu’il a d’avance préparés pour la gloire? » (Rm 9:22-23)

Pourquoi les hommes devant des injustices notoires appellent-ils Dieu à empêcher ce mal et ne l’appellent-ils pas à empêcher le mal qu’ils commettent eux-mêmes? À qui de déterminer le mal que Dieu doit empêcher et selon quels critères? L’Écriture nous rappelle que nous sommes tous dans le même bateau. Lorsque nous condamnons les actes criminels des autres, nous nous condamnons nous-mêmes puisque nous commettons les mêmes péchés à différents degrés (Rm 2:1). C’est pourquoi la méchanceté des hommes devrait nous inciter à la repentance puisque la même méchanceté est dans notre cœur. C’est également ce que Jésus déclare en constatant les tragédies de l’existence humaine. Il ne déclare pas que celles-ci sont incompatibles avec la bonté de Dieu, mais qu’elles devraient nous inciter à la repentance en vue du salut de nos âmes :

En ce même temps, quelques personnes qui se trouvaient là racontaient à Jésus ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices. 2 Il leur répondit: Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont souffert de la sorte ? 3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également. 4 Ou bien, ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu’elle a tuées, croyez-vous qu’elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également. (Lc 13:1-5)

Les tragédies nous bouleversent. Elles doivent nous rappeler que nous vivons dans un monde post-Genèse 3; un monde bouleversé par la chute. L’injustice rampante ne doit pas nous faire croire que le ministère de la Justice divine est interrompu. Dieu juge et condamne le péché, empressons-nous donc de nous repentir. Nous devons savoir que nous sommes semblables à la fois aux criminels et aux victimes: nous sommes coupables de nos péchés et nous sommes mortellement vulnérables. Il ne nous reste, dans les deux cas, qu’un seul et même refuge: la miséricorde de notre Dieu!

Première publication le 20 mars 2013 @ 11 h 00 min

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  1. Très bon billet. Le problème du mal est l’une des questions théologiques les plus troublantes…
    « Mais il nous faut constater que Dieu a choisi de laisser les hommes libres de faire le mal. »
     Dieu a fait ce choix, c’est clair. C’est donc que la gloire procurée par la liberté humaine est plus grande que l’affront causé par le mal. Si la gloire procurée par la liberté humaine était moindre que l’affront causé par le mal, Dieu n’aurait pas choisi de laisser les hommes libres de faire le mal. Le livre de Job nous informe que l’on ne peut pas comprendre de quelle façon la liberté de faire le mal est justifiée par la liberté humaine (et celle des créatures surnaturelles, selon le récit), mais on comprend clairement que c’est le cas.
    Cette considération ne conteste aucun aspect de ton billet. C’est plutôt un clin d’œil au peu d’importance que la doctrine calviniste accorde à la liberté humaine.

  2. C’est donc que la gloire procurée par la liberté humaine est plus grande que l’affront causé par le mal.

    Est-ce les deux seules alternatives? La gloire de Dieu en jugeant les pécheurs est plus grande que l’affront causé par le mal. Il me semble que c’est davantage la thèse de Rm 9.22-23 cité dans ce billet.

     

    Le calvinisme accorde à la liberté humaine toute la place que la Bible lui accorde, seulement après Genèse 3 l’homme n’est plus très très libre: il est esclave du péché. Ne pas croire à la conversion par le libre-arbitre ce n’est pas nier le libre-arbitre, mais c’est affirmer la dépravation de l’homme. Le calvinisme affirme aussi que les décrets divins fonctionnent mystérieusement en harmonie avec la contingence et la liberté.

     

  3. C’est plutôt le luthéranisme qui parle du serf-arbitre, non ?

    1. Luther a écrit Du serf-arbitre pour réfuter le Du libre-arbitre d’Érasme. Je crois que les doctrines calviniste et luthérienne sont assez proche sur cette question (malgré ce que prétendent certains arminiens), le luthéranisme (Formule de Concorde, 1577) prône le monergisme dans la justification comme dans la sanctifiation, tandis que le calvinisme affirme le monergisme dans la justification mais le synergisme dans la sanctification.

  4. Oui c’était effectivement De servo arbitrio que j’avais en tête.  Je crois que dans un sens la sanctification est à la fois un monergisme et un synergisme.  Nous participons consciemment à la sanctification, mais c’est en cela une grâce de Dieu.

    Un article intéressant (anglais) …

    1. Kevin DeYoung de The Gospel Coalition dit qu’on ne devrait pas employer les concepts de monergisme et synergisme pour parler de la sanctification, ou bien qu’on pourrait employer l’un aussi bien que l’autre dépendament des définitions qu’on donne à ces termes.

      Le synergisme ne stipule pas que l’humain agit de son propre chef, mais qu’il participe avec Dieu. Puisque la justification est un monergisme, et qu’il n’y a pas de sanctification sans justification, donc que la sanctification synergique est initiée par la justification monergique, n’est-il pas redondant de dire que la sanctification est « aussi monergique » ?

      D’ailleurs je relis Le Bon Fondement et M. Favre dit plutôt que la sanctification est une synergie (p. 171-172).

  5. Oui, je schématisais en me fiant au Bon Fondement de M. Favre, qui va dans le même sens que toi.

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