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Guy Turcotte: le verdict

Le verdict qui est tombé il y a 24 heures a déclenché une réaction viscérale, un profond sentiment que justice n’a pas été rendue : deux enfants sont morts de manière horrible et personne n’est coupable!

Un verdict révélateur

Le verdict du procès de Guy Turcotte me semble symptomatique de certaines caractéristiques de notre temps. Nous vivons à une époque où le « crime moral » par excellence est celui de juger et de condamner les autres… Combien de fois entendons-nous ces clichés : « Il ne faut pas juger! » « Qui sommes-nous pour condamner? » Bien sûr, on emploie généralement ces clichés dans des situations qu’on considère vénielles. Ce cas-ci n’est pas banal du tout cependant. Néanmoins, la raison pour laquelle les 11 jurés n’ont pas condamné Guy Turcotte (c.-à-d. son état mental excuse son geste) est tout aussi révélatrice d’une autre tendance en vogue : le comportement de l’homme ne doit plus être évalué moralement, mais psychologiquement. Il n’y a plus ni bien, ni mal, mais seulement une variété de comportements qui s’expliquent par une analyse psychologique sans référence à une transcendance morale ou un métarécit quelconque.

N’est-ce pas une mouvance qui afflige notre époque? « Je ne suis pas paresseux; je ne travaille pas parce que je n’ai pas une bonne estime de moi-même et quand je travaille on critique ce que je fais… » « Ce n’est pas de ma faute si je ne prends pas soin de mes enfants, mes parents ne se sont pas occupés de moi… » « Je trompe ma femme, mais je suis victime d’une libido exacerbée. » « Je suis né comme ça », c’est d’ailleurs le titre du dernier album de Lady Gaga « Born This Way ». L’approche psychologique permet à chacun de se voir comme victime de son destin plutôt que responsable. Ainsi, et je parle par expérience, nos « pénitenciers » traitent de plus en plus les détenus comme des malades et non comme des criminels. On ne voit plus les prisons comme un lieu de punition, mais de traitement.

Nous assistons au triomphe de l’analyse psychologique du comportement humain au détriment de l’analyse morale. Ce triomphe est inéluctablement accompagné de la déresponsabilisation des actes moraux : l’homme n’est plus responsable ou coupable de ce qu’il fait. Qu’on ne s’étonne donc pas du verdict qui est tombé hier! Il est on ne peut plus conséquent avec la logique moderne.

Le triomphe de la justice

Si le triomphe de l’analyse psychologique se fait actuellement au détriment de la justice, sachez que ce n’est que temporairement. En effet, d’où vient ce sentiment que la justice a été violée dans l’affaire Guy Turcotte sinon de l’existence d’une justice absolue à laquelle tous les hommes sont soumis et redevables? D’où vient l’existence de cette justice absolue sinon de l’existence d’un Législateur absolu? Certains diront : « Comment ce Législateur peut-il être juste lorsqu’il laisse sa Justice être transgressée de manière aussi flagrante? » La réponse chrétienne à ce problème existentiel est le jugement final où toutes les injustices commises par les hommes seront justement rétribuées. Guy Turcotte aura donc encore un autre rendez-vous avec la Justice.

C’est là où nous sommes tous concernés. Et c’est là également où l’on retrouve un puissant paradoxe dans l’attitude des hommes : chacun réclame que justice soit faite, mais chacun veut éviter de faire face à la Justice. Bonne nouvelle : justice sera faite! Mauvaise nouvelle : vous passerez devant le Tribunal vous aussi!

Le procès de Guy Turcotte ne devait pas déterminer s’il avait tué ou non ses enfants, mais plutôt pourquoi les a-t-il tués? Voulait-il se venger? Voulait-il seulement leur éviter la souffrance de le retrouver mort? Était-il conscient de ce qu’il faisait? A-t-il prémédité son geste? L’acharnement avec lequel il les a tués venait-il d’une volonté d’en finir, ou de la colère, ou encore de la folie? Qui peut vraiment juger les intentions du cœur, évaluer l’implication de la conscience et de la volonté, déterminer sans faille la valeur d’une action? Voici la réponse :

Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles; elle juge les sentiments et les pensées du cœur. Nulle créature n’est cachée devant lui, mais tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. (Hébreux 4.12-13)

Guy Turcotte, de même que vous et moi devrons passer devant ce Tribunal qui jugera non seulement toutes les actions des hommes, même celles qui sont encore secrètes, mais également les intentions derrières ces actions. L’Écriture nous dit qu’alors le Seigneur « mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les desseins des cœurs » (1 Corinthiens 4.5). Puissiez-vous trouver sa Grâce avant de devoir faire face à sa Justice!

Peut-être croyez-vous que ce que vous venez de lire est faux. Eh bien, il ne vous reste plus qu’à vous réfugier dans le cynisme pour pouvoir continuer à endurer le triomphe quotidien des injustices des hommes, car si l’on rejette la perspective théologique, il ne reste plus que l’absurde.


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  1. J’aime beaucoup ta réflexion….qu’on croit ou non en Dieu il faut se rappeler qu’il vivras avec son geste toutes sa vie et que un jour il en payeras le prix…

  2. Excellent texte! Par contre, faut pas baisser les bras concernant la réforme du système de justice dans notre vie terrestre 😉
    Si on commencait par élire et mieux payer les Procureurs de la Couronne comme ça se fait aux USA? Pourquoi pas aussi élire des shériffs et juges au niveau local?
    Permettre la télédiffusion des procès et aux jurés de s’exprimer aux médias après le procès permettrait aussi de mieux comprendre certaines décisions…
    En passant, la phrase la plus stupide que j’ai entendu viens de Denis Gravel de CHOI-FM (athée supposément de droite) qui a dit que vu qu’il n’a pas sauvé la vie des enfants de Turcotte, on a la preuve que Dieu n’existe pas.
    Il n’a jamais entendu parlé du libre-arbitre faut croire…
     
     
     

  3. Merci Martin
    Ça fait plaisir de voir des amis d’Antagoniste venir visiter ce site…

    « faut pas baisser les bras concernant la réforme du système de justice dans notre vie terrestre »

    Comme on dit chez les protestants: Semper Reformanda 

  4. Pascal,

    votre éditorial sur le verdit de Turcotte est très intéressant et apporte une vision quelque peu différente de ce qui nous fut présenté au cours des dernier jours…
    Et malgré le fait que je travail dans le milieu de la maladie mental, en tant que thérapeute familiale, auprès d’individu souffrant de sévère depression, je vais dans la même direction que vous et ne peux accepter la thèse de l’irresponsabilité criminel du a la maladie mental…
    Dans le cas suivant, cet individu, lors du moment où il a commis l’acte odieux, n’a jamais semblé avoir perdu conscience de la réalité ou d’être en état de psychose (phénomène que se généralement parfois chez les gens atteint de schizophrénie, et non de sévère depression)… Aussi, comme je l’indique  toujours au début du processus thérapeutique auprès de mes clients mon rôle est certes de les écouter, les supporter, et les guider afin de parvenir à un chemin qui les mènera à une meilleure condition de vie. Mais leur RESPONSABILITE est de reconnaître leur désordre, de faire face aux comportements dysfunctionnels liés a celui-ci, de prendre contrôle sur leur vie en prenant les moyen thérapeutiques et medical pour s’en sortir… et parfois même d’assumer durement les implications de leurs actes…
    Ces individus ne sont certes pas responsables des éléments déclencheurs ou des facteurs émotionnels/psychiques qui les ont mis dans cet état de depression. Ils ne peuvent être blâmé ou puni à cause fait qu’ils souffrent de telle condition. Cependant, ils sont responsable de trouver les outils et les moyens afin d’éviter le pire et de commettre l’impensable… Dans le cas actuel, voila la principale erreur que Turcotte a commise. N’ayant pas cherché d’aide, n’ayant avouez son mal de vivre, et n’ayant pas protégé ces enfants d’actes potentiellement dangereux, il a fait le choix de ne pas prendre ses responsabilités en tant qu’être humain…   Pour cela il mérite plus que jamais d’être responsable de la mort de ses enfants.
     
    Marian Elie, MS TFM
     

  5. Encore une fois, une excellente réflexion appuyée par de solides versets.

    Lorsque tu dis:
    Le procès de Guy Turcotte ne devait pas déterminer s’il avait tué ou non ses enfants, mais plutôt pourquoi les a-t-il tués? Voulait-il se venger? Voulait-il seulement leur éviter la souffrance de le retrouver mort? Était-il conscient de ce qu’il faisait? A-t-il prémédité son geste? L’acharnement avec lequel il les a tués venait-il d’une volonté d’en finir, ou de la colère, ou encore de la folie?

    Je me disais: mais n’est-ce pas là tout le cœur du problème de nos jours? Lorsque je lis la Parole de Dieu, je pense surtout à l’Ancien Testament et aux punitions exigées lors de crimes commis, je ne vois pas celles-ci basées sur les intentions du cœur du coupable (état psychologique), mais je vois une justice s’exécuter à partir des actions commises (état moral)… n’est-ce pas? Il est question d’homicide volontaire ou involontaire, mais même dans le cas d’un homicide involontaire, il y avait des règles à suivre pour déterminer ce type de jugement et une lourde conséquence s’ensuivait pour le coupable.

    En 2014, on s’enligne dans la même direction avec cette fois-ci le procès de Magnotta. Il a commis ces actes. Il les a avoués. Mais en cour de justice, la question est: savait-il distinguer entre le bien et le mal à ce moment-là? C’est la grande question posée cette semaine par la psychiatre au procès…. on ne s’en sortira jamais…

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