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« Femme, voici ton fils », « Fils, voici ta mère »

Avant d’examiner cette Parole du Christ en croix (celle qui figure dans le titre de ce billet), examinons les versets qui la précèdent. Ces versets nous apprennent trois choses sur Jésus:

A) La royauté de Jésus-Christ : (Jn 19.19-22)

« Pilate fit aussi un écriteau qu’il plaça sur la croix. Il y était inscrit : Jésus de Nazareth, le roi des Juifs. Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau, parce que l’endroit où Jésus fut crucifié était près de la ville : l’inscription était en hébreu, en latin et en grec. Les principaux sacrificateurs des Juifs dirent à Pilate: N’écris pas : Le roi des Juifs ; mais : il a dit : Je suis le roi des Juifs. Pilate répondit : Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »

Jésus est Roi et Seigneur. Il est Roi et Seigneur de l’univers…. Mais particulièrement Roi et Seigneur de son Église, composée de Juifs et de non-Juifs. En fait, « une grande foule… de toute nation, de toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues » se tiendra un jour « devant le trône et devant l’Agneau » (Ap 7.9).

Les versets qui précèdent la 3e parole soulignent deuxièmement

B) La messianité de Jésus Christ : (Jn 19.23-24)

« Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et ils en firent quatre parts, une part pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique, qui était sans couture, d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en bas. Ils dirent entre eux : Ne la déchirons pas, mais que le sort désigne celui à qui elle sera. C’était afin que s’accomplisse l’Écriture : Ils se sont partagé mes vêtements Et ils ont tiré au sort ma robe. Voilà ce que firent les soldats.« 

Jésus a accompli des prophéties en ce qui concerne sa naissance, sa vie, ses miracles, sa mort en croix. Alors que les soldats se partagent ses vêtements et tirent au sort sa tunique, ils accomplissent d’autres paroles des prophètes (Ps 22:19; 69:22).

Les versets qui précèdent la 3e parole soulignent finalement

C) La sollicitude et la solidarité humaine de Jésus-Christ : (Jn 19.23-24)

« Près de la croix de Jésus, se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie femme de Clopas et Marie-Madeleine.« 

Jésus a été, dans sa grande miséricorde, solidaire des marginaux, des laissés pour compte, de ceux qui souffrent.

Le ministère de Jésus a touché beaucoup de femmes. Que ce soit la femme Samaritaine (Jn 4), La femme adultère (Jn 8:1), Marie-Madeleine (Lc 8:2), Marthe et Marie (Lc 10:38-42), sœurs de Lazare (Jn 11).

Ici à la croix, nous avons plusieurs de ces trophées de la grâce divine. Jésus, qui n’avait pas froid aux yeux et n’avait pas peur d’aller à contre-courant des conventions sociales, par sollicitude et par solidarité humaine a déversé sa grâce envers ces femmes.

Ce n’est donc certainement pas de façon gratuite que Jean, tout comme Matthieu et Luc, a mentionné certaines femmes qui accompagnaient Marie sa mère près de la croix… En voyants leurs noms on prend conscience que ce sont des femmes « à qui une grâce a été faite » tout comme dans le cas de Marie.

Bon, examinons cette 3e parole du Christ en croix

« Jésus, voyant sa mère, et debout auprès d’elle le disciple qu’il aimait dit à sa mère : Femme, voici ton fils. Puis il dit au disciple : Voici ta mère. Et dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui. »

Cette parole, je lui donnerais le sous-titre suivant : La sollicitude du Fils concernant la solitude d’une mère

I. CETTE PAROLE DÉMONTRE LA SOLLICITUDE DU FILS

Jésus a toujours, souligné l’importance de respecter la loi divine. Il prit à partie les scribes et les pharisiens qui enfreignaient la loi au profit de leurs traditions humaines (Mt 23). Jésus ne contredisait pas la loi. Il l’a respectée et enseignait à la respecter. En ce qui concerne l’honneur dû aux parents, il a obéi à la loi divine, prenant soin de ses parents. Quelquefois, il devait affirmer les priorités du Royaume de Dieu par rapport à la famille humaine (« Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? » (Jn 2)). Jésus n’a pas renié sa famille. Il avait néanmoins un ministère à accomplir en 3 ans et il n’a pas laissé qui que ce soit, MÊME PAS SA MÈRE venir S’INTERPOSER dans sa mission. Il a démontré les priorités de l’amour pour Dieu par rapport à l’amour pour les humains. L’un n’exclut pas l’autre, mais l’un a priorité sur l’autre.

Ainsi, après un ministère bien rempli, et alors qu’il pend « entre ciel et terre », en lambeaux, dans des souffrances atroces, Il pense à sa mère. Il pourrait ne se concentrer que sur ses propres souffrances, mais Jésus démontre, jusque dans ses souffrances atroces, les souffrances de la croix, sa sollicitude envers les humains, sa sollicitude envers sa famille.

Le Trésor de la langue française définit ainsi le terme sollicitude: Soins attentifs et affectueux, constants, prodigués envers une personne ou une collectivité.

Jésus était plein de sollicitude : Il faisait du bien partout où il allait: « Vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée, après avoir commencé en Galilée, à la suite du baptême que Jean a prêché : comment Dieu a oint d’Esprit Saint et de puissance Jésus de Nazareth, qui allait de lieu en lieu en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous l’oppression du diable ; car Dieu était avec lui. » (Ac 10.37-38)

Jésus plein de sollicitude même sur la croix démontre encore cette sollicitude envers ses bourreaux, envers le larron repentant et envers sa mère.

II. CETTE PAROLE DÉMONTRE LA SOLLICITUDE DU FILS CONCERNANT LA SOLITUDE D’UNE MÈRE

« Femme, voici ton fils. Puis il dit au disciple : Voici ta mère. Et dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui. »

Puisque nous voyons que Joseph était probablement décédé, et à la vue du départ imminent de Jésus-Christ, il confie Marie aux soins de Jean, son disciple bien-aimé.

Mais pourquoi ne pas l’avoir confié à ses frères (Mc 6:3 « [Jésus] le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici parmi nous ? Et il était pour eux une occasion de chute.« ) Peut-être parce qu’ils n’étaient pas encore croyants (cf. Jn 7:2-5)

On sait que Jacques le frère du Seigneur, auteur de l’Épître de Jacques, est probablement devenu croyant après la crucifixion. Comme le souligne le commentateur Godet, Jésus, dépouillé de tout, n’a pas de plus beau don à offrir à sa mère qu’un fils en son ami Jean.

III. CETTE PAROLE DÉMONTRE L’AUTORITÉ DU CHRIST DANS LES RELATIONS DES MEMBRES DE L’ÉGLISE

Pourquoi dit-il « femme », peut-être pour une raison semblable à celle de son intervention aux Noces de Cana, au début de son ministère : Jésus, aux Noces de Cana, veut démontrer que maintenant sa relation filiale humaine doit laisser la place à une relation caractérisée par celle du Royaume de Dieu.

Au début de son ministère, sa relation avec sa mère en sera une où le Royaume aura la priorité et où sa soumission comme fils humain, laissera la place à une relation où Christ comme Messie, comme Fils de Dieu, aura l’autorité de Médiateur de la Nouvelle alliance comme fils du Père céleste. Marie ne devra plus intervenir dans son ministère de Messie.

Ici, à la fin de sa vie, suspendu à la croix, comme Calvin le souligne, Il dit « femme » de manière semblable. Jésus-Christ a voulu montrer qu’après avoir parachevé le cours de la vie humaine, maintenant, il dépouille cette condition sous laquelle il avait vécu, et il entre au Royaume céleste où il sera Dominateur et Monarque par-dessus les anges et les hommes ; car nous savons que le Christ a toujours coutume de retirer ses fidèles du regard de la chair. Or il fallait que cela se fît principalement en sa mort. (Commentaires, Évangile selon saint Jean (19.26-27)).

Ainsi Christ, d’une part, montre une sollicitude de fils, mais d’autre part, montre son autorité comme Médiateur de la Nouvelle Alliance et comme Seigneur de l’Église. Ce point est amplement développé par Paul Wells dans son ouvrage sur les sept paroles de la croix, « Entre ciel et terre – Les dernières paroles de Jésus », Revue réformée, octobre 1990, vol. 61, nos 4-5, p. 57-61.

Non seulement Jésus gère sa famille, dans cette parole, mais il nous offre une parole qui reflétera, que dans le Royaume de Dieu, les liens spirituels ont préséance sur les liens charnels. « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » dira-t-il à une occasion. « Voici ma mère et mes frères. En effet, quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère. » (Mt 12.48-50)

La parole de Jésus change les rapports humains. Il établit de nouvelles relations et en prenant Marie chez lui, Jean s’en occupe, pour montrer que le lieu de consolation par excellence pour les croyants, c’est l’Église, communauté de la Nouvelle-Alliance.

Plus tard, Les disciples, après avoir vu Jésus monter au ciel, « retournèrent à Jérusalem… Tous d’un commun accord persévéraient dans la prière, avec les femmes, avec Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » (Ac 1:12-14) On voit ici, que Marie, bien que sa place soit discrète après la crucifixion, était bel et bien au nombre des disciples qui persévéraient dans la prière…

CONCLUSION

Nous voyons, dans cette parole de Jésus en croix, un Jésus plein de sollicitude pour une mère dans la solitude et un Christ qui est le Seigneur des relations nouvelles qui sont établies dans son Église, dans son Royaume.

« Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, faites-vous grâce réciproquement, comme Dieu vous a fait grâce en Christ. » (Ep 4.32)

« Faites-vous mutuellement bon accueil, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. » (Rm 15.7)

Que Dieu nous donne lui-même les dispositions pour nous soumettre à sa Seigneurie dans nos relations mutuelles, et qu’il nous donne un cœur semblable au sien empreint de sollicitude.

 


Ce message a été prêché par André Pinard lors du Prélude pascal 2012 à Ottawa

Première publication le 18 avril 2012 @ 0 h 13 min

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  1. La densité de ton billet confirme un peu mes commentaires de ton autre billet : Il ne s’agit pas d’une question simple. Les paroles du Christ portent une beauté et un mystère qui dépasse une simple ordonnance pratique. Si la Tradition catholique est fausse, cette beauté et ce mystère ne sont pas la mariologie catholique. Reste que la mariologie n’est pas incompatible avec l’Écriture, et que l’Écriture donne l’indice de ce qui pourrait être la mariologie.

    Par ailleurs, je peine à saisir comment les réformés expliquent la dévotion mariale. Que sont ces innombrables témoignages de croyants sincères et dévoués à l’endroit de la Sainte Vierge? Une œuvre du Diable? Quel serait l’intérêt de l’Église catholique à appuyer une doctrine aussi contre-intuitive à son monothéisme et à son patriarcat? Le clergé fut d’abord très réfractaire face à la révélation mariale, ce n’est que suite à une longue accumulation de témoignages congrus qu’il a fini par l’accepter. N’est-ce pas troublant?

    1. Juste une petite remarque, ce billet a été écrit par André Pinard et non par Daniel… Je ne crois pas que le frère André (Pinard) ait lu notre conversation sous l’autre billet où nous discutons de cette parole de Jésus en croix…

  2. Oups, je dois avouer que je n’avais même pas regardé la signature tellement j’étais certain que ce billet était une suite à notre autre conversation. La concomitance est quand même extraordinaire!

    Je demande pardon à André Pinard; mon commentaire n’était définitivement pas à-propos.

  3. Cher Sylvain.
    Je te pardonnes, certainement. J’aime bien ta façon de formuler les choses. Mais je suis en désaccord sur la question de mariologie.
    Tu dis « Les paroles du Christ portent une beauté et un mystère qui dépasse une simple ordonnance pratique. »
    Premièrement, il est vrai que les paroles du Christ dépassent l’ordonnance pratique, sans l’exclure. Toutefois, je vois cette profondeur, non pas dans l’élévation de Marie, mais plutôt, dans la manifestation de son rôle de médiateur unique, alors qu’il « montre son autorité comme Médiateur de la Nouvelle Alliance et comme Seigneur de l’Église.  » (l’accueil mutuel des chrétiens, Jean et Marie).
    D’Autre part, pourquoi une simple ordonnance pratique serait dévalorisante pour Jésus. En tant que Messie, il a mis en pratique la loi divine parfaitement, y compris le 5e commandement, d’honorer et de prendre soin de ses parents. Les ordonnances pratiques sont spirituelles.
    Par ailleurs, comme tu l’as bien souligné, le culte marial est contre-intuitif au monothéisme biblique. Pour le croyant réformé, la seule norme déterminante en matière de foi est l’Écriture sainte. Or, dans l’ensemble de la Bible, l’enseignement est uniforme: Un seul Dieu et aussi, un seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Timothée 2.5). Jésus est le seul Messie, le seul Sauveur, le seul chemin vers le Père (Jean 14.6). JAMAIS, il n’a encouragé ses interlocuteurs à aller à sa mère au lieu d’aller à Lui. Il a dit « Venez à moi, vous qui êtes fatigués » (Mt 11.28). Jamais Jésus n’a rejeté qui que ce soit. Plusieurs rejetaient des enfants, plusieurs rejetaient des infirmes… des femmes, des prostituées. Jésus les accueillaient tous..
    Voir Luc 11.27,28
     » 27Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t’a porté! heureuses les mamelles qui t’ont allaité!
        28Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent! »
    Il n’y a donc aucune raison biblique valable qui légitimerait la dévotion mariale, le culte marial.
    Ainsi, tout témoignage de personnes qui ont vécu, tout au cours de l’histoire, une expérience dans le contexte du culte marial, doit être évalué par le critère biblique, lequel est christocentrique.
    J’ai moi-même été converti au Seigneur en 1975, par le témoignage d’amis qui appartenaient à l’Église baptiste. J’ai toutefois joint un comité liturgique puisque j’étais catholique romain. AU fil des mois, c’est toutefois, l’absence de réponses cohérentes avec la Bible, qui m’ont amené à joindre l’Église baptiste, parce que j’y trouvais les réponses adéquates à mes questions.
    Cher Sylvain je t’encourage fortement à évaluer ta foi à l’aune de la Sainte Écritures.
    Comme le disaient les humanistes au 16e siècle: « Ad fontes » (aux sources).
    « À la loi et au témoignage! Si on ne parle pas ainsi, C’est qu’il n’y aura point d’aurore pour (le peuple) ». (Esaie 8.20).   
    SAlutations cordiales
     
    André Pinard, Ph.D.
    Faculté de théologie évangélique (Université Acadia)
    Montréal, Québec
     

  4. OOPs petite faute de syntaxe:
    Je voulais dire plutôt ceci:
    Toutefois, je vois cette profondeur, non pas dans l’élévation de Marie, mais plutôt, dans la manifestation du rôle de médiateur unique de Jésus, alors qu’il « montre son autorité comme Médiateur de la Nouvelle Alliance et comme Seigneur de l’Église.  »

  5. Je viens d’imprimer les 8 pages de commentaires sur les Noces de Cana (j’ai du rattrapage à faire). Je vois que le sujet de la mariologie a déjà été épluché. 🙂
     

  6. Bonjour André
    Je viens de mettre à jour ce billet en ajoutant l’audio de votre prédication.  Merci encore!

  7. Je peux constater que vous avez amplement discuté la question, sous toutes ses coutures, on dirait…. J’ai lu le 8 pages de vos commentaires sur « Qui est ma mère? »….

  8. merci pour cette explication vraiment lucide,car: En effet je sus évangéliste et des foi pas facile de ramener certains catholiques que nous rencontrons à la raison: Ces derniers évoquant toujours cette partie de Jean 19 pour se soutenir. Mais des que j’ai lu votre exposé je viens d’en apprendre encore quelques choses : Bien merci.

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