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Complotisme, christianisme et les défis qui s’y attachent pour l’église locale

À la suite de l’écoute d’un récent épisode du podcast Coram Deo sur le complotisme, j’ai été mû à mettre sur papier certaines de mes réflexions. Je dois avouer que j’étais initialement perplexe à la perspective de l’entretien du sujet discuté. Pour la simple raison que le terme « complotiste » englobe un  large éventail de gens aujourd’hui et que la tendance est à faire du lynchage intellectuel. Étant pasteur d’une église au Québec, j’expérimente l’impact significatif de ce sujet sur celle-ci depuis les 8 derniers mois. J’ai été confronté à plusieurs divergences d’opinions qui m’ont poussé à des réflexions inévitables sur le sujet des complots et de la foi chrétienne.

J’ai apprécié plusieurs réflexions des intervenants du podcast, malgré mon désaccord avec certains des propos énoncés. Je dois avouer que je suis de nature sceptique, je doute souvent de tout. Je ne me ferai pas l’apologète des théoriciens du complot, mais je trouve dangereux de rejeter « en masse », autant d’un côté de la clôture que de l’autre. Notre approche comme chrétien doit être étoffée par ce que la parole de Dieu enseigne. Ultimement, je crois qu’elle nous donne les outils nécessaires pour faire face aux problèmes que nous vivons actuellement.

Mon plus grand souci est toujours pastoral avant d’être théorique. Sur le terrain et dans l’église locale, je rencontre des gens qui font partie des deux camps. D’un côté nous retrouvons les conformistes et de l’autre, les complotistes. Je dois avouer d’emblée que je déteste ces deux étiquettes et ce qu’elles sous-entendent. Je les utilise avec le sens communément employé pour faciliter la compréhension de ce texte. Au risque de donner l’impression de vouloir être ce pasteur qui prétend être sage en ne prenant pas position, je vois des vérités bibliques et des dangers dans chacun des camps.

Je trouve étrange et même dangereux de voir que certains chrétiens adoptent une foi aveugle en l’humanité depuis le début de cette crise sanitaire. En tant que calviniste convaincu, je crois en la dépravation totale de l’être humain. Quand je regarde à la classe politique et aux gouvernements, mon premier réflexe n’est pas d’y voir des gens bons, sans nature pécheresse et qui soudainement désirent mon bien. On parle ici des mêmes personnes qui appuient ouvertement et avec véhémence le meurtre de milliers de bébés par l’avortement et qui émanent une culture de mort dans toutes les sphères de notre société depuis des décennies. Les politiciens ne sont pas neutres et leur nature pécheresse n’est pas amoindrie par leur position sociale. Faudrait-il aujourd’hui croire sur parole que ces mêmes personnes ont soudainement de l’intérêt pour la vie des gens vulnérables et qu’elles manifestent un tout nouveau désir de protéger la vie ? Je crois en la grâce commune, mais il y faut faire attention de ne pas oublier la réalité de la nature humaine qui nous est présentée par les écritures. Ces gens, presque tous athées ou minimalement religieux, sont par nature des enfants de Satan, qui comme tout autre pécheur, sont totalement dépravés. Je trouve naïve et sans fondement biblique cette foi aveugle en la classe politique que j’observe chez certains chrétiens.

Les gens qui sont dans mon entourage immédiat savent que je suis sceptique sur presque tout ce qui entoure cette crise sanitaire. Je ne suis pas convaincu par la légitimité du port du masque, par la nécessité des confinements, par la bienveillance des médias populaires ou par la dangerosité du virus lui-même. Comme plusieurs chrétiens, je partage un scepticisme que je juge sain au sujet des décisions de mon gouvernement. Je ne prétends pas connaître toutes les raisons de nos dirigeants ni ce qui les incite à prendre ces décisions, mais je rejette complètement l’idée que les chrétiens devraient aveuglément accepter ce qui leur est présenté. Il y a des raisons rationnelles et d’autres spirituelles d’avoir des doutes.

Bien que la parole de Dieu nous demande de se soumettre aux autorités, cela n’exclut pas la possibilité d’être en désaccord avec elles. Ce que Romains 13 défend, c’est une rébellion contre l’autorité. Je ne crois pas que ce passage enseigne une soumission absolue aux gouvernements en toute circonstance et dans toute sphère (ecclésiale, familiale, civile). Pour moi, l’interdiction pour l’église de s’assembler sans raison valable, réelle et vérifiable par des faits est la limite de ma soumission ecclésiale. Bref, ce thème à lui seul pourrait être le sujet de plusieurs articles, mais je me limite à ce seul; bref commentaire quelque peu provocateur.

Malgré mon scepticisme, si vous demandiez aux gens de mon assemblée s’ils me considèrent comme un complotiste, la plupart vous diraient que non. Je fais attention de ne pas prétendre connaître des choses qui sont hors de ma portée. Je n’enseigne pas et n’utilise pas le langage complotiste du haut de la chaire. Je fais attention de ne pas transgresser le 9e commandement et de ne pas faussement accuser les gens au pouvoir. J’essaie de ne pas consciemment attribuer des intentions malicieuses à nos dirigeants. Lorsque les gens me demandent pourquoi nos dirigeants prendraient de telles mauvaises décisions, je réponds toujours, « je n’en ai aucune idée » ! Il n’est pas nécessaire de porter de fausses accusations et d’insinuer des motifs. Il est possible de douter du bien-fondé de certaines décisions sans pécher. Il n’est pas nécessaire de devenir militant parce que nous sommes en désaccord avec la gestion de la crise et avec les choix des gouvernements. Il est possible de s’opposer pacifiquement et même parfois seulement par la prière et le silence.

On me dira probablement que je suis un sympathisant à la cause « complotiste », mais je trouve triste de voir l’attitude de certains chrétiens qui tiennent pour « fous » tous ceux qui doutent et qui remettent en question le narratif officiel. Basé sur ma perception subjective et mon expérience personnelle, ce sont ces conformistes que j’ai entendus profaner des attaques injustes contre leurs frères et sœurs en Christ. Les sceptiques sont accusés d’un manque d’amour, d’un manque de soumission sans jamais que l’on considère leur point de vue. À l’inverse, je n’ai pas encore été témoin d’un chrétien « complotiste » qui manquerait de respect face aux opinions d’un conformiste. Les chrétiens que j’ai rencontrés et qui sont réfractaires aux mesures sanitaires dans l’église le sont à cause de leur conviction biblique et non pas à cause qu’ils détestent les gens ! Il est vrai que certains ont une lecture eschatologique qui se porte facilement à ces théories du complot, mais d’autres ont une crainte légitime d’offenser Dieu en ajoutant au culte des mesures qu’ils perçoivent comme un manque de respect. Certains voient dans ces mesures des symboles de soumission envers une autorité qui va à l’encontre de celle de Christ. Évidemment, mon expérience est limitée et n’est pas une preuve assurée de quoi que ce soit. J’aimerais tout de même rappeler à tous ceux qui lisent cet article, que la bible parle de complot et que les complots existent. Le complot des pharisiens a mené Jésus-Christ à la croix. Bien que certaines théories du complot véhiculées aujourd’hui soient farfelues et difficiles à croire, plusieurs des points soulevés par ces sceptiques ont du mérite. Au minimum, nous devrions traiter les chrétiens qui ont ces opinions avec le même degré de dignité qu’on accorde à toute autre personne dans l’église.

Je rejoins le pasteur Yannick Étier quand il parle du danger de faire de ces choses une passion qui consume la pensée pour le chrétien. Lorsque nous sommes sceptiques et que nous voyons des dangers inhérents aux décisions qui sont actuellement prises par nos autorités, il est facile de devenir passionné et de s’indigner. J’ai été personnellement mis face à de sérieuses répercussions périphériques dues aux mesures sanitaires. J’ai vu et je continue de voir énormément de souffrance humaine autour de moi qui est causée par la solitude et le désespoir qu’entrainent ces mesures. Cette souffrance est créée par des décisions qui me semblent plus politiques que sanitaires.

Depuis le début de cette crise, j’ai entendu plusieurs chrétiens défendre leur conformisme avec l’argument d’aimer leur prochain. Je demande toujours à ces personnes de quel prochain elles parlent ? La bible nous enseigne que notre prochain est toute personne autour de nous. Le prochain de l’église locale ce n’est pas seulement les gens qui sont à risque de souffrir de la Covid19, c’est aussi les gens qui souffrent à cause des mesures imposées en réaction à ce virus. Les pères de famille qui perdent un emploi, les gens âgés isolés qui meurent seuls, par exemple mon propre grand-père en début de crise. Il est facile de s’enflammer et de remplir nos cœurs de ces théories lorsque nous croyons que ces choses qui arrivent sont des injustices et de la souffrance jugées inutiles. Nos pensées peuvent facilement être troublées par ces événements.

Selon moi, le danger qui guette aujourd’hui les chrétiens sceptiques, c’est d’adopter la vision du monde « complotiste ». Les intervenants du podcast l’ont eux aussi exprimé en utilisant une autre terminologie que moi. Plusieurs chrétiens semblent actuellement tentés d’échanger leur vision du monde contre celle que les complotistes offrent. Bien que je suis persuadé que certains de ces « complotistes » offrent parfois des analyses valides et des critiques rationnelles du narratif, leur vision du monde n’inclut pas le Dieu de la bible ! Certains argumenteront que ces gens sont parfois « religieux », mais ne soyez pas bernés, si certains sceptiques ont le mérite d’offrir des explications qui semblent être rationnelles, ils n’ont pas plus de solutions à offrir que les politiciens qu’ils critiquent. Leur espoir est basé sur le renouvellement politique, sur l’amour vide de sens et sur l’humanisme. La vision du monde « complotiste » offre des explications, mais elle est sans espoir et n’offre pas de solution.

Comme je l’ai dit à plusieurs croyants depuis le début de cette situation, les chrétiens n’ont pas besoin d’emprunter le langage « complotiste » pour être sceptiques ou pour expliquer ce qui arrive dans le monde. La bible nous offre tout ce qui est nécessaire pour analyser la situation à l’intérieur même de notre vision chrétienne du monde. Les hommes sont déchus et pécheurs, cela inclut les politiciens et les « complotistes ». Inévitablement, les politiciens prennent parfois des décisions qui sont motivées par leurs désirs charnels et les conséquences du péché sont toujours plus de souffrance et de désespoir dans notre monde.

Malgré mon scepticisme concernant les mesures sanitaires, ma vision du monde chrétienne offre un espoir réel. Le langage biblique explique la corruption humaine, admet la possibilité de l’existence des complots et elle explique la peur injustifiée des hommes face à un virus inconnu qui pourrait causer la mort. Avant tout, elle offre une solution valable aux problèmes que nous vivons. L’évangile est la seule solution aux problèmes que nous pouvons percevoir. Elle est notre espoir ici-bas. Je partage le sentiment de mes 4 frères dans ce podcast lorsqu’ils disent vouloir être trouvés fidèles à l’évangile.

Si notre passion devient de combattre l’injustice de ce monde par des moyens purement humains, quel espoir offrons-nous à ceux qui entendent notre discours ? Il doit y avoir plus à notre discours. Je suis favorable à l’utilisation de moyens pacifiques par exemple les manifestations et parfois même, la désobéissance civile quand cela est bibliquement justifié. Cela dit, ce sont là des outils limités, temporels et sans portée éternelle. La foi en Dieu n’est pas simplement de voir l’injustice et de la dénoncer, c’est surtout de se repentir et de croire en Jésus-Christ, Fils de Dieu.

Bien qu’il y ait un danger très réel à faire l’autruche et à nier le potentiel destructeur du péché chez notre classe dirigeante, il y a aussi un danger de troquer notre vision du monde contre une autre  qui n’offre aucun espoir !

Mon plaidoyer pour notre église locale depuis 8 mois a été de s’unifier par amour fraternel et de respecter les opinions divergentes des chrétiens de notre assemblée. Bien que la situation continue d’être un défi important de gestion ecclésiale, le Seigneur m’apprend à aimer tous les chrétiens, peu importe leur opinion ou leur lecture de la situation. Cela engendre parfois des discussions passionnées dans lesquelles on doit contrôler notre langue. Dans d’autres circonstances, cela nous apprend à souffrir certaines incompréhensions par amour pour l’unité de notre église locale.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une vision du monde éclairée par la parole de Dieu et par l’espoir de Jésus-Christ. À lui appartient la rétribution pour toute injustice humaine et en lui nous trouverons la force de persévérer, peu importe notre opinion sur la gestion de la Covid19. Les membres des églises partout dans le monde devront apprendre à vivre avec des différends sans démoniser ceux qui ne partagent pas leur point de vue sur des sujets d’opinions humaines. Que Dieu nous vienne en aide et que sa gloire demeure notre seule préoccupation. Soyez charitables, patients et que votre tempérance soit l’objet de votre bonne réputation auprès de tout homme. Aimez tous vos frères et sœurs et gardez vos cœurs centrés sur l’Évangile.

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  1. Cet article est probablement le plus tempéré et irénique que j’ai lu sur la gestion du coronavirus chinois en 2020.

    De mon côté, malgré huit mois de crise artificielle, je demeure encore fasciné par la confiance quasi-illimitée que de trop nombreux chrétiens accordent à la nomenklatura des politiciens, des « médecins » et des journalistes qui sont des ennemis déclarés du Royaume de Dieu et de la vérité chrétienne depuis des lustres. Je trouve que cette naïveté est foudroyante ; je peine à me l’expliquer même en tenant compte du phénomène d’aveuglement volontaire et du syndrome de Stockholm qui affectent visiblement beaucoup de chrétiens dans leur perception des « autorités » étatico-pharmaceutiques.

  2. Post comment

    Christine Bouchard says:

    Merci pour le beau partage, sensé, posé et biblique.

  3. Merci pour cet article . Je suis chrétienne et je ne m’occupe pas de tous ces tralala car je ne fais pas partie de ce monde. Cela ne veut pas dire que je suis indifférente .. Mais je n »y prête aucune attention. Le Seigneur n’a-t-il pas dit que face à nos inquiétudes, nous ne pouvons ajouter une coudée à notre vie. A Dieu seul je me confie . Sa Parole est pleine de sagesse ,d’intelligence et de discernement.
    Esaie 48:17 …moi, l’Eternel ton Dieu, je t’instruis pour ton bien. Je te conduis dans la voie que tu dois suivre.
    Ro 12 :21 ne te laisse pas vaincre par le mal, mais surmonte le mal par le bien.
    Esaie 8:12 N’appelez pas conjuration tout ce que ce peuple appelle conjuration .Ne craignez pas ce qu’il craint et ne soyez pas effrayés.
    Que la paix du Seigneur soit en chacun de nous.!

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