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Commentaire sur le Psaume 90

  1. Prière. Pour Moïse, homme de Dieu. Seigneur! tu es pour nous une demeure, de génération en génération!
  2. Avant que les montagnes fussent nées, et que la terre et le monde fussent enfantés, même d’éternité en éternité, tu existes, ô Dieu!
  3. Tu fais retourner l’homme en poudre, et tu dis : Retournez, fils des hommes!
  4. Car mille ans sont à tes yeux comme le jour d’hier, quand il est passé, et comme une veille en la nuit.
  5. Tu les engloutis ; ils ne sont qu’un sommeil ; au matin, comme l’herbe, ils passent ;
  6. le matin elle fleurit, puis elle passe, le soir on coupe et elle sèche.
  1. Car nous sommes consumés par ta colère, et épouvantés par ton courroux ;
  2. tu places nos iniquités devant toi, et notre secret à la clarté de ta face ;
  3. car nos jours s’en vont par ta fureur, nous consumons nos années comme un son.
  4. Les jours de nos années, c’est soixante-dix ans, et pour les forts, quatre-vingts ans ; le plus beau n’est que tourment et vanité ; car elles passent soudain, et nous nous envolons.
  5. Qui connaît la force de ta colère, et ta fureur comme l’on doit te craindre?
  6. Enseigne-nous à compter nos jours, afin que nous acquérions un cœur sage!
  1. Reviens, ô Éternel! Jusques à quand…? Repens-toi en faveur de tes serviteurs!
  2. Au matin rassasie-nous de ton amour, et nous serons triomphants et joyeux tout le long de nos jours.
  3. Réjouis-nous en proportion des jours où tu nous as affligés, et des années où nous avons vu des maux!
  4. Que ton œuvre se voie sur tes serviteurs et ta gloire sur leurs enfants!
  5. Et que la beauté de l’Éternel notre Dieu soit sur nous ; L’œuvre de nos mains, affermis-la pour nous, oui, l’œuvre de nos mains, affermis-la!

Ce Psaume fait partie du service funèbre dans l’Église anglicane, et cela à bon droit, car il fait ressortir avec force la fragilité de l’homme, le fait que la mort est le salaire du péché et le besoin absolu que nous avons de la grâce de Dieu. « Il nous représente l’homme plongé dans la mort, l’homme sous la colère de Dieu, et c’est à peine si l’on y voit poindre la lueur d’un meilleur jour » (Stier).

Le titre de ce Psaume : Pour Moïse, paraît appuyer l’opinion des rabbins et de la plupart des commentateurs modernes, qui le croient composé par Moïse lui-même, et cela sous l’impression de la terrible sentence qui condamnait une grande partie du peuple d’Israël à être exclu de la terre promise et à périr dans le désert (Nb 14.27-37). Cette supposition est assez plausible, cependant nous ne trouvons pas de raison suffisante pour nous départir de la tradition, qui attribue à David la composition de tous les Psaumes. (Voyez vol. I, p. 28-31.) Les mots pour Moïse, ne prouvent point nécessairement que Moïse lui-même soit l’auteur du Psaume ; ils peuvent signifier que David l’a composé en se transportant par la pensée dans la situation de Moïse, et cela dans le but de mettre mieux en évidence les enseignements qu’il voulait donner sous cette forme poétique. Si ce Psaume était de Moïse, il aurait probablement été inséré dans le Pentateuque aussi bien que deux autres cantiques du grand législateur des Hébreux. (Ex 15 ; Dt 32). Cependant il serait possible que Moïse eût composé quelque morceau semblable à celui-ci, et que David l’eût retravaillé et lui eût donné la forme sous laquelle nous le possédons.

Dans tout le Psaume, c’est le peuple qui est censé parler par la bouche du psalmiste. Dans la première strophe, la brièveté de la vie humaine est mise en regard de l’éternité de Dieu (1-6) ; la seconde montre que la mort est le châtiment du péché (7-12) ; la troisième demande à Dieu le retour de ses bienfaits (13-17).

Le nom d’homme de Dieu est également donné à Moïse, Dt 33.1. Il a le même sens que celui de serviteur de Dieu.

Verset 1. Prière. Pour Moïse, homme de Dieu. Seigneur! tu es pour nous une demeure, de génération en génération!

Cette image représente la protection accordée à Israël de siècle en siècle. Comparez Ps 27.5.

Verset 2. Avant que les montagnes fussent nées, et que la terre et le monde fussent enfantés, même d’éternité en éternité, tu existes, ô Dieu!

Les montagnes, dit Abenesra, sont mentionnées parce que leur immobilité « les fait paraître éternelles. » Comparez Dt 35.15. — Notre traduction du troisième hémistiche est celle des Septante, et d’Hengstenberg parmi les modernes. Celle qui se trouve dans la plupart des versions est moins littérale et fait moins bien ressortir l’idée de l’éternité de Dieu. D’éternité en éternité tu es Dieu.

Verset 3. Tu fais retourner l’homme en poudre, et tu dis : Retournez, fils des hommes!

Littéralement : Tu fais retourner l’homme jusqu’à être pulvérisé. — Dans le second hémistiche, il faut, avec Abenesra et la plupart des commentateurs, sous-entendre en poudre, comme dans la sentence prononcée sur Adam (Gn 3.19). D’autres sous-entendent : à moi, et y voient une invitation à la conversion (ainsi le rabbin Jarchi), ou même une déclaration de l’immortalité de l’âme (comp. Ec 12.7). Mais la première explication va mieux dans le contexte.

Verset 4. Car mille ans sont à tes yeux comme le jour d’hier, quand il est passé, et comme une veille en la nuit.

Ce verset montre ce que la vie humaine est aux yeux du Dieu éternel. Comparez 2 Pi 3.8. « Il en est de Dieu comme d’un homme immensément riche, pour lequel mille pièces d’or sont comme un denier » (Bengel). « Les hommes croient leur vie bien longue, parce qu’ils ne regardent pas à l’éternité ; de là l’impatience, l’inquiétude, la mondanité, etc. C’est de quoi Moïse veut les corriger » (Calvin). — Les Hébreux partageaient la nuit en trois veilles.

Versets 5-6. Tu les engloutis ; ils ne sont qu’un sommeil ; au matin, comme l’herbe, ils passent ; le matin elle fleurit, puis elle passe, le soir on coupe et elle sèche.

Le premier verbe signifie proprement emporter par une eau abondante. La mort est comparée à une inondation. Le régime du verbe est évidemment : les hommes dont il est question au v. 3. — « Quand tu vois un fleuve tu dois te dire : Telle est ma vie ; l’eau, une fois écoulée, ne revient plus » (Arndt). — L’homme est comparé au sommeil qui est bientôt passé. Image semblable dans Ps 73.20. — Le second hémistiche introduit une troisième image, qui est développée dans le verset suivant. Elle se retrouve Ps 37.2 ; Es 40.5. Chaque fois que nous regardons une fleur, nous devrions faire un retour sur nous-mêmes.

Verset 7. Car nous sommes consumés par ta colère, et épouvantés par ton courroux ;

« L’homme ne sent bien sa fragilité que quand il connaît la colère de Dieu » (Calvin). Comparez Rm 6.12, 6.23. — Dans le second hémistiche, il s’agit des terreurs de la mort.

Verset 8. tu places nos iniquités devant toi, et notre secret à la clarté de ta face ;

Les péchés que Dieu veut punir, il les place devant lui ; ceux qu’il veut pardonner, il en détourne les yeux. Comparez Ps 51.11 ; Hé 4.13. — Dans le second hémistiche, il faut sous-entendre péché ; le texte porte : notre chose cachée. Le mot est au singulier, parce que le psalmiste voit les péchés comme une seule masse. Il les appelle « un secret », parce que nous ne les connaissons jamais bien à fond. « Comme la colère de Dieu, comme la mort, le péché est un infini insondable » (Luther). Comparez Ps 19.13.

Verset 9. car nos jours s’en vont par ta fureur, nous consumons nos années comme un son.

Plusieurs versions rendent le dernier mot par pensée, quelques-unes par souffle. Le sens primitif du mot hébreu paraît être celui que nous avons préféré (de même Kimchi, Vaihinger).

Verset 10. Les jours de nos années, c’est soixante-dix ans, et pour les forts, quatre-vingts ans ; le plus beau n’est que tourment et vanité ; car elles passent soudain, et nous nous envolons.

Au troisième hémistiche, il y littéralement leur orgueil. — Le dernier mot de l’hémistiche pourrait aussi être traduit par chagrin, souffrance. — Au quatrième hémistiche, le premier verbe est au singulier et pourrait se rapporter au plus beau jour ; mais la conjonction qui le précède est mieux justifiée, si on le rapporte aux années, comme le fait la version chaldéenne.

Verset 11. Qui connaît la force de ta colère, et ta fureur comme l’on doit te craindre?

Le psalmiste déplore la légèreté et l’aveuglement des hommes qui, pour la plupart, ne se font point une juste idée de la justice de Dieu.

Verset 12. Enseigne-nous à compter nos jours, afin que nous acquérions un cœur sage!

« À cause de cette dureté de cœur il est nécessaire de prier » (Calvin). « Compter nos jours, c’est tenir compte de la brièveté de notre vie et de la longueur de l’éternité » (Horne). Mais il faut que ce calcul ait un résultat pratique. — Cœur sage. Voyez l’explication du Ps 51.8.

Verset 13. Reviens, ô Éternel! Jusques à quand…? Repens-toi en faveur de tes serviteurs!

Après reviens, on peut sous-entendre avec les rabbins : de ta colère ; comparez Ps 85.4. On pourrait aussi suppléer : à nous. Comparez Ps 6.5. — Jusques à quand, voyez Ps 6.4. — Le second hémistiche doit être comparé avec Ex 32.12. Le sens serait aussi rendu en disant : Sois apaisé envers tes serviteurs.

Verset 14. Au matin rassasie-nous de ton amour, et nous serons triomphants et joyeux tout le long de nos jours.

Les mots au matin pourraient être considérés comme l’équivalent de promptement, mais nous pensons plutôt avec les rabbins qu’il s’agit du jour de la délivrance, qui est saluée avec joie après la longue nuit de l’épreuve (comparez Ps 30.6). Cette prière fut exaucée, et il y eut pour Israël un matin lorsqu’il entra dans la terre promise, et lorsqu’il y rentra après l’exil à Babylone ; un autre relèvement pour ce peuple est encore à venir. Kimchi attend l’accomplissement de ce verset par la venue du Messie. Dans nos épreuves particulières, nous sommes également autorisés à espérer un matin.

Verset 15. Réjouis-nous en proportion des jours où tu nous as affligés, et des années où nous avons vu des maux!

« C’est un souhait qui sera accompli dans le ciel » (Horne).

Verset 16. Que ton œuvre se voie sur tes serviteurs et ta gloire sur leurs enfants!

« C’est ainsi que dans nos prières nous devons aussi penser à la génération suivante, à l’Église à venir » (Calvin).

Verset 17. Et que la beauté de l’Éternel notre Dieu soit sur nous ; L’œuvre de nos mains, affermis-la pour nous, oui, l’œuvre de nos mains, affermis-la!

L’expression beauté signifie ici à peu près la même chose que gloire dans le verset précédent. Dieu se montre dans sa beauté quand il déploie ses perfections pour le bonheur des fidèles. Comparez Ps 27.4. — Sans la bénédiction de Dieu, les œuvres de l’homme n’ont ni succès ni durée (comparez Ps 127.1). La répétition de cette demande marque l’ardeur avec laquelle elle est présentée. — Le rabbin Kimchi dit que l’accomplissement de ce désir se voit dans Es 65.22-23.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 124-128

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