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Commentaire sur le Psaume 72

  1. Pour Salomon. Ô Dieu! donne tes jugements au roi, et ta justice au fils du roi.
  2. Il jugera ton peuple avec justice, et tes affligés selon le droit ;
  3. les montagnes porteront la paix pour le peuple, les coteaux aussi par la justice ;
  4. il fera droit aux affligés du peuple, il délivrera les enfants du pauvre et écrasera l’oppresseur.
  1. On te craindra tant que dureront le soleil, et la lune, de génération en génération.
  2. Il descendra comme la pluie sur une prairie fauchée comme une grosse ondée qui pénètre la terre.
  3. En son temps le juste fleurira, et la paix abondera jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lune.
  1. Il dominera depuis une mer jusqu’à l’autre, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre ;
  2. les habitants du désert s’inclineront devant lui, ses ennemis mordront la poussière ;
  3. Les rois de Tarsis et des îles apporteront des dons, les rois de Scéba et de Séba offriront des présents ;
  4. tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront.
  1. Car il délivrera le pauvre qui crie, et l’affligé et celui qui est sans aide ;
  2. il aura compassion du malheureux et du pauvre, il sauvera la vie des pauvres,
  3. il garantira leur vie contre la violence et l’oppression, et leur sang sera précieux devant ses yeux.
  1. Il vivra, on lui donnera de l’or de Scéba, on priera pour lui continuellement, chaque jour on le bénira.
  2. Une poignée de froment étant en terre au sommet des montagnes, son fruit bruira comme le Liban ; et la cité produira comme l’herbe de la terre.
  3. Son nom durera éternellement, son nom se perpétuera comme le soleil ; on sera béni en Lui, toutes les nations le proclameront bienheureux.
  1. Béni soit l’Éternel Dieu, Dieu d’Israël, qui seul fait des choses merveilleuses!
  2. Que le nom de sa gloire soit béni à jamais! Et que toute la terre soit remplie de sa gloire! Amen! oui, amen!
  3. Fin des prières de David, fils d’Isaï.

Le titre que ce Psaume porte dans la version syriaque en indique très bien le contenu : « Composé par David lorsqu’il eut établi Salomon comme roi et prophétie de la venue de Christ et de la vocation des Gentils. » « Ce Psaume, dit Saint-Augustin, est intitulé : pour Salomon ; mais il contient bien des choses qui ne pouvaient pas s’appliquer à Salomon, roi d’Israël, mais qui s’appliquent très bien à notre Seigneur Jésus-Christ. » La plupart des commentateurs, tant juifs que chrétiens, expriment le même sentiment et reconnaissent ce Psaume comme prophétique et messianique. Il paraît sans doute avoir été composé d’abord en vue de Salomon, comme l’indique le titre : c’est une prière du pieux roi David pour le fils bien-aimé, auquel il allait laisser son royaume, mais cette prière va bien au-delà de la personne de Salomon. David, poussé par l’Esprit de prophétie et saisissant avec foi la grande promesse qui lui avait été adressée par le ministère de Nathan, plonge ses regards dans un avenir lointain et y contemple la figure de cet illustre descendant dont la domination glorieuse et bienfaisante devait s’étendre sur la terre entière. Cette prophétie, ainsi que d’autres du même caractère, ne se trouvera entièrement accomplie que par le second avènement de notre Sauveur et par son règne glorieux (comparez Ps 2, 45, 89, 93 à 100 et 110). « De nos jours nos espérances pour le règne de Dieu ne sont pas encore toutes accomplies, mais quand le Christ sera manifesté, nous verrons toutes nos prières abondamment exaucées » (Rieger).

La version chaldéenne attribue ce Psaume à Salomon lui-même et c’est ce que font également Hengstenberg, Delitzsch et quelques autres commentateurs, partant du principe que le nom propre dans les titres doit toujours indiquer l’auteur. Mais la plupart des commentateurs l’attribuent à David et nous ne voyons aucun motif valable pour donner à la préposition qui précède le nom propre un autre sens que celui que nous avons adopté jusqu’ici. Les Septante ont également traduit sur Salomon. D’ailleurs le Psaume lui-même s’accorde très bien avec les sentiments que David devait éprouver à l’égard de son premier successeur et que nous trouvons exprimés dans ses dernières paroles (2 S 23.1-7). Il n’est pas sans intérêt de remarquer que Salomon s’offre à nous comme un type du Roi Messie, non seulement par l’éclat de son règne, mais aussi par son nom qui est dérivé du mot paix (en hébreu salom) et qui paraît signifier : riche en paix. « Puisque nous avons découvert le véritable Salomon, c’est-à-dire le véritable pacificateur, voyons ce que le Psaume nous enseigne à son sujet » (St-Augustin).

On peut distinguer cinq strophes qui nous représentent le règne du Messie sous différents points de vue. C’est un règne de justice (1-4), il n’aura point de fin (5-7), il s’étendra sur la terre entière (8-11), il apportera la délivrance et le bonheur partout où il s’établira (12-14). La dernière strophe est en quelque sorte un résumé de ce magnifique Psaume ; elle dépeint la reconnaissance des sujets du roi, la prospérité du pays et la perpétuité des bénédictions qui découlent de son avènement (15-17). — Les trois derniers versets n’appartiennent pas au Psaume.

Versets 1-2. Pour Salomon. Ô Dieu! donne tes jugements au roi, et ta justice au fils du roi. II jugera ton peuple avec justice, et tes affligés selon le droit ;

David demande pour son successeur les grâces nécessaires pour que son gouvernement s’accorde avec celui de Dieu ; l’exaucement de ce vœu en ce qui concerne Salomon se voit 1 R 3.28 ; mais le parfait accomplissement ne peut se trouver qu’en Christ (Es 11.2,4 ; Jn 5.22,27). « Le don de bien gouverner les peuples est beaucoup trop excellent pour qu’il puisse provenir de la terre. Là où l’esprit de droiture ne préside pas, toute autorité se change en tyrannie » (Calvin).

Verset 3. les montagnes porteront la paix pour le peuple, les coteaux aussi par la justice ;

La paix qui régna du temps de Salomon (comparez 1 R 4.20) est aussi l’un des caractères les plus saillants du règne du Messie (comparez Es 2.4 ; Lc 2.13 ; Rm 5.1) ; mais cette paix a pour condition la justice, ce qui paraît exprimé par le second hémistiche, que l’on pourrait cependant aussi traduire : et les coteaux (porteront) la justice.

Verset 4. il fera droit aux affligés du peuple, il délivrera les enfants du pauvre et écrasera l’oppresseur.

« Un prince doit se montrer courageux et énergique dans la répression des méchants » (Calvin).

Verset 5. On te craindra tant que dureront le soleil, et la lune, de génération en génération.

Ces paroles s’adressent au Roi-Messie, comparez Ps 89.37. Littéralement : on te craindra avec le soleil et devant la lune.

Verset 6. Il descendra comme la pluie sur une prairie fauchée comme une grosse ondée qui pénètre la terre.

Les bénédictions temporelles et spirituelles sont souvent comparées à la pluie, voyez Es 44.3, 55.10 ; David dans ses dernières paroles représente sous cette image un roi tel que son cœur le désire (2 S 23.4) ; mais il faut ajouter avec Calvin : « C’est ce que nous voyons accompli en Christ, qui fertilise l’Église en l’arrosant de sa grâce. » « Ce roi viendra pour le bonheur de son peuple comme la pluie sur un pré fauché pour le faire reverdir » (Kimchi). — Peut-être pourrait-on avec Stier trouver dans l’expression : il descendra une allusion à l’origine céleste du Roi-Messie.

Verset 7. En son temps le juste fleurira, et la paix abondera jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lune.

Ce verset résume les versets 3 et 5.

Versets 8-9. Il dominera depuis une mer jusqu’à l’autre, depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre ; les habitants du désert s’inclineront devant lui, ses ennemis mordront la poussière ;

Ces paroles montrent évidemment que la pensée du psalmiste allait bien au-delà de son premier successeur. Comparez Ps 2.8 ; Za 9.10 ; Mi 7.12. — Le fleuve, probablement l’Euphrate.

Verset 10. Les rois de Tarsis et des îles apporteront des dons, les rois de Scéba et de Séba offriront des présents ;

Sur Tarsis voyez Ps 48.8. — Par les îles il faut entendre d’abord celles de la Méditerranée, mais aussi toutes celles qu’embrasse déjà et que doit embrasser encore le vaste champ des missions. Comparez Es 49.1. — Scéba partie de l’Arabie heureuse. — Seba est le pays de Méroé dans l’intérieur de l’Afrique. — En ce qui concerne Salomon l’accomplissement de ce verset se voit dans la visite de la reine de Scéba (1 R 10.1) et dans les offrandes qui lui venaient de diverses contrées (1 R 10.25) : quant à celui dont il était le type, il s’agit des offrandes des mages, ainsi que de tous les dons qui se font pour l’Église, pour le culte, pour l’avancement du règne de Dieu. Comparez Ps 45.13, 68.30.

Verset 11. tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront.

La soumission des rois à l’empire du Christ est également annoncée Ap 11.15, 17.14. « Il y a dans l’Église place pour les rois. David ne leur enlève point leur épée, il ne les dépouille point de leur diadème, pour les admettre dans l’Église ; c’est revêtus de leur dignité qu’ils doivent y venir pour se prosterner devant le Christ. » Cette réflexion de Calvin mérite une attention particulière en face des principes de nivellement et de radicalisme qui sont si répandus de nos jours et qui ont pénétré jusque dans le monde religieux.

Versets 12-14. Car il délivrera le pauvre qui crie, et l’affligé et celui qui est sans aide ; il aura compassion du malheureux et du pauvre, il sauvera la vie des pauvres, il garantira leur vie contre la violence et l’oppression, et leur sang sera précieux devant ses yeux.

« Ce règne se distinguera de ceux de la terre dans lesquels les pauvres et les gens du commun sont souvent négligés » (Calvin). Ces promesses et celles des deux versets suivants doivent être considérées comme renfermant l’œuvre de la rédemption dans ses diverses phases.

Verset 15. Il vivra, on lui donnera de l’or de Scéba, on priera pour lui continuellement, chaque jour on le bénira.

Ce verset a beaucoup occupé les commentateurs, parce qu’il est difficile de déterminer avec une entière certitude à qui se rapportent les verbes et pronoms qui s’y rencontrent. L’explication la plus simple nous paraît celle de Calvin et d’autres anciens docteurs qui pensent que c’est du Roi-Messie, sujet principal du Psaume, qu’il est aussi question dans ce verset et que le sens est celui-ci : Le roi vivra (une longue durée de jours lui est assurée comme au v. 5), et (comme témoignage de reconnaissance) on lui offrira de l’or de Scéba, des prières et des bénédictions. Les offrandes d’or s’expliquent comme celles dont il est parlé au v. 10. Quant aux prières, ce sont celles qui se font pour la gloire de Christ et l’extension de son règne. D’autres commentateurs (Rosenmüller, Hupfeld, Hengstenberg) arrivent au même résultat, sauf qu’ils rapportent le premier verbe aux pauvres dont il est question dans le verset précédent. « Le malheureux, dont la vie a été conservée par la puissance du roi, lui témoigne sa reconnaissance par des offrandes et des prières. » Cette explication nous paraît moins naturelle, parce que dans les versets précédents il est toujours parlé du roi au singulier et de ceux qu’il protège au pluriel. Selon Stier c’est au roi que se rapportent tous les verbes du verset ; il traduit : « Il vivra, il lui (c’est-à-dire : au pauvre) donnera de l’or de Scéba, il priera pour lui continuellement et le bénira chaque jour. » Il s’agirait alors non d’hommages adressés au Messie mais de grâces qu’il répand ; mais les pronoms qui se rapportent à ceux qui reçoivent ces grâces, devraient être au pluriel comme au verset 14. Enfin Delitzsch, Maurer et Perret-Gentil rapportent le premier verbe au pauvre, le second au roi et les deux derniers de nouveau au pauvre. « Le pauvre vivra, le roi l’enrichit encore après lui avoir sauvé la vie, et le pauvre à son tour prie pour lui et le bénit. » Cette explication a l’inconvénient d’accumuler les changements de sujet. — Mentionnons enfin une traduction qui ne se trouve, il est vrai, que dans une seule version, celle de Cahen, mais qui peut se justifier par les usages de la langue. Cahen a adopté l’explication que nous préférons, seulement il traduit : on lui donnera mieux que de l’or de Scéba. On aurait alors la pensée qui se trouve exprimée dans ce passage d’un cantique qui se chante le jour de Noël dans les églises réformées de langue française :

L’or et l’encens de l’Arabie

Plaisent bien moins à notre roi,

Que la sainteté de la vie,

Qu’un cœur plein d’amour et de foi.

Verset 16. Une poignée de froment étant en terre au sommet des montagnes, son fruit bruira comme le Liban ; et la cité produira comme l’herbe de la terre.

Sous le règne du premier Salomon, la Judée était riche en productions de la terre et en population (1 R 4.20) ; ces deux caractères se retrouveront encore à un plus haut degré dans l’empire de Celui dont il était le type. — Nous avons traduit le premier hémistiche comme le font Abenesra et Kimchi, ainsi que les versions hollandaise et anglaise. Une autre traduction, qui se justifie moins facilement, donne à peu près le même sens. « Le froment abondera sur la terre au sommet des montagnes » (Jarchi, Hupfeld, Hengstenberg). — La version chaldéenne ajoute, probablement avec raison, que c’est de la ville de Jérusalem qu’il s’agit, explication qui porte notre pensée sur les passages où la sainte cité est représentée comme métropole spirituelle des peuples. Es 2.2 ; Ps 87. — Le Liban. Il s’agit des cèdres du Liban qui font du bruit quand le vent les agite.

Verset 17. Son nom durera éternellement, son nom se perpétuera comme le soleil ; on sera béni en Lui, toutes les nations le proclameront bienheureux.

« Les royaumes terrestres passeront, mais celui du Christ, bien que parfois ébranlé, est soutenu par la main de Dieu » (Calvin). Comparez v. 5 et Ps 89.37. — Plusieurs versions et commentateurs affaiblissent le sens du troisième hémistiche en le rendant par : on le nommera pour se bénir mutuellement. La traduction que nous donnons, et qui est celle des Septante et des versions hollandaise et anglaise, se justifie tout aussi bien au point de vue grammatical[1], met notre verset en rapport avec la grande promesse adressée à Abraham : « Toutes les familles de la terre seront bénies en ta « postérité » (Gn 22.18. Comparez Ga 3.16 ; Ep 1.3). — Le proclameront bienheureux. Comparez 1 Tm 6.15.

Versets 18-19. Béni soit l’Éternel Dieu, Dieu d’Israël, qui seul fait des choses merveilleuses! Que le nom de sa gloire soit béni à jamais! Et que toute la terre soit remplie de sa gloire! Amen! oui, amen!

Selon Abenesra, ce verset et le suivant renferment les actions de grâces qui sont annoncées dans le précédent, mais il est plus naturel de les considérer comme ne formant pas partie intégrante du Psaume. C’est une doxologie qui termine le second livre du Psautier, toute semblable à celle qui termine le premier livre (Ps 41.14).

Verset 20. Fin des prières de David, fils d’Isaï.

Ces paroles signifient probablement, comme le pense Kimchi, que David composa ce Psaume dans son extrême vieillesse (peut-être dans le même temps que ses dernières paroles 2 S 23.1-7) et que ce fut le dernier. Elles peuvent aussi indiquer simplement que ce Psaume termine le second livre.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 15-22


[1] En hébreu la forme du verbe est exactement la même que dans Gn 29.18.

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