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Commentaire sur le Psaume 66

  1. Pour le Maître-Chantre. Cantique. Psaume.
  1. Pousse devant Dieu des cris de joie, terre entière! Chantez la gloire de son nom, donnez-lui gloire, louez-le.
  2. Dites à Dieu : Combien tu es redoutable dans tes œuvres! À cause de ta grande puissance tes ennemis te flatteront.
  3. La terre entière se prosternera devant toi, on chantera en ton honneur, on chantera ton nom (Sélah).
  1. Venez et contemplez les œuvres de Dieu! Il est redoutable dans son action sur les enfants des hommes.
  2. Il a changé la mer en terre sèche ; on a traversé le fleuve à pied : là, nous nous réjouirons en Lui!
  3. Par sa puissance il domine éternellement ; ses yeux observent les nations ; que les rebelles se gardent de s’élever! (Sélah)
  4. Peuples! bénissez notre Dieu, et faites retentir sa louange!
  5. C’est Lui qui nous a conservé la vie, et qui n’a pas laissé chanceler nos pieds.
  6. Car tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as épurés, comme on épure l’argent.
  7. Tu nous avais amenés dans le filet, tu avais mis sur nos reins un fardeau ;
  8. tu avais fait chevaucher sur nos têtes des mortels ; nous étions entrés dans le feu et dans l’eau ; mais tu nous as fait arriver à un lieu bien arrosé.
  1. J’entrerai dans ta maison avec des holocaustes, je m’acquitterai envers toi de mes vœux,
  2. que mes lèvres avaient proférés et que ma bouche avait prononcés dans ma détresse.
  3. Je t’offrirai en holocauste des bêtes grasses, avec le parfum des béliers ; j’immolerai des taureaux et des boucs (Sélah).
  4. Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu, et je raconterai ce qu’il a fait à mon âme!
  5. J’ai crié à lui de ma bouche, et il a été exalté sur ma langue.
  6. Si j’eusse dans mon cœur regardé l’iniquité, le Seigneur ne m’eût pas exaucé.
  7. Certainement Dieu m’a exaucé, il a été attentif à la voix de ma prière.
  8. Béni soit Dieu, qui n’a point repoussé ma prière, ni retiré loin de moi sa bonté!

Les commentateurs s’accordent à considérer ce Psaume comme un cantique d’actions de grâces pour quelque grande délivrance accordée au peuple d’Israël. Mais les uns l’attribuent à un auteur postérieur à David et le croient composé, ou bien du temps d’Ézéchias à l’occasion de la défaite des Assyriens (Hengstenberg, Gerlach, Tholûck), ou bien lors du retour de l’exil de Babylone (Rosenmüller). D’autres savants le considèrent comme une prophétie (les rabbins Jarchi, Kimchi et parmi les chrétiens Michaëlis, Clauss, Horsley), et dans ce cas il n’y a pas de raison pour ne pas l’attribuer à David. C’est à l’opinion de ces derniers que nous nous rangeons, et cela parce qu’il nous paraît se rapporter à un événement encore plus important pour le peuple d’Israël et pour le monde entier, que ne le furent la délivrance du temps d’Ézéchias et le retour de la captivité de Babylone. Nous pensons qu’il s’agit de cette future restauration des Juifs qui est si positivement annoncée dans les prophéties et que l’Écriture nous enseigne à considérer comme l’un des principaux moyens dont Dieu se servira pour amener d’autres peuples à sa connaissance. « Si leur chute a fait la richesse du monde et leur réduction à un petit nombre la richesse des Gentils, que ne fera pas la conversion de ce peuple entier? Si leur réjection est la réconciliation du monde, que sera leur rappel, sinon une résurrection d’entre les morts. » Rm 11.12,15. (Comp. Za 8.20,23). C’est à cause de la relation étroite qui existe entre Israël et les Gentils, que ces derniers sont invités dans notre Psaume, ainsi que dans d’autres passages prophétiques, à considérer attentivement les grandes choses que Dieu opère en faveur de son ancien peuple et à s’en réjouir.

Les Septante et d’autres anciennes versions ont ajouté au titre les mots : de la résurrection, ce qui peut faire supposer que les auteurs de ces versions rapportaient ce Psaume à la résurrection du peuple juif (son rétablissement) ou bien à la résurrection de notre Seigneur. C’est bien, comme nous venons de le dire, principalement dans le rétablissement des Juifs, que s’accomplira cette prophétie, mais on peut aussi en voir un premier accomplissement dans la résurrection de notre Sauveur, puisque ce triomphe sur la puissance du sépulcre est une garantie de l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu.

Rieger nous apprend avec quelles dispositions nous devons lire ces Psaumes qui se rapportent au temps où le Seigneur Jésus apparaîtra dans sa puissance et où il sera reconnu comme le Roi du peuple d’Israël et le Sauveur de toutes les nations. « Ce Psaume nous annonce le jour où Dieu mettra fin à la corruption qui règne sur la terre et où cette terre qui a subi tant de changements deviendra enfin la demeure du royaume de Dieu. Mais si nous voulons avoir part à ce royaume, il faut commencer dès maintenant à donner gloire à Dieu par nos prières et par notre foi, et cela dans les petites choses aussi bien que dans les grandes. Celui qui est paresseux à prier, inattentif à l’exaucement de ses prières, absorbé par le train de ce monde, verra s’affaiblir et pâlir graduellement ses espérances pour l’avenir. »

Par le fait même que les Gentils y sont invités à louer Dieu, ce Psaume nous donne la certitude qu’ils seront un jour amenés à sa connaissance ; il doit donc être précieux à tous ceux qui s’occupent de l’œuvre des missions. « Comme ce Psaume est adressé à la terre entière, je ne doute pas qu’il ne soit une prophétie de l’accroissement que le royaume de Dieu devait prendre par la venue de Jésus-Christ » (Calvin). « La sainte Église de Dieu, répandue sur toute la terre, est ici invitée à faire entendre ses actions de grâces, à célébrer le nom qui est au-dessus de tout nom, et à glorifier Jésus par ses paroles et par ses œuvres » (Horne).

Dans la première strophe, les nations sont invitées à louer Dieu pour l’œuvre magnifique qu’il a accomplie en faveur de son peuple (1-4) ; la seconde indique quelques-uns des principaux traits de cette œuvre (5-12) ; dans la troisième, le peuple d’Israël rend grâces pour ces délivrances (13-20).

Verset 2. Pousse devant Dieu des cris de joie, terre entière! Chantez la gloire de son nom, donnez-lui gloire, louez-le.

Ces paroles nous annoncent qu’il viendra un temps où la terre entière sera remplie de la connaissance du vrai Dieu (Comp. Es 45.23 ; Za 14.9 ; Ps 2.8). « Le prophète veut que les bienfaits de Dieu soient célébrés avec éclat, comme leur grandeur le mérite » (Calvin). — Le second hémistiche est fort concis et par là même difficile à traduire avec une complète certitude ; en hébreu il y a littéralement : « Placez la gloire, sa louange. »

Verset 3. Dites à Dieu : Combien tu es redoutable dans tes œuvres! À cause de ta grande puissance tes ennemis te flatteront.

La traduction des anciennes versions peut aussi se justifier grammaticalement, mais elle est moins naturelle : « Combien tes œuvres sont redoutables. » — Le troisième hémistiche est expliqué par Ps 18.45.

Verset 4. La terre entière se prosternera devant toi, on chantera en ton honneur, on chantera ton nom (Sélah).

« Ce que David annonçait comme étant encore à venir s’accomplît maintenant toutes les fois que l’Église chante[1] : « Toute la terre t’adore, ô Père d’éternité. De jour en jour nous te magnifions et nous honorons ton nom éternellement. » Il viendra un jour où ces paroles s’accompliront sans aucune limite » (Horne).

Verset 5. Venez et contemplez les œuvres de Dieu! Il est redoutable dans son action sur les enfants des hommes.

L’expression venez a une énergie particulière. Elle nous invite à considérer avec une très grande attention les œuvres de Dieu, notamment les événements dont se compose l’histoire du monde.

Verset 6. Il a changé la mer en terre sèche ; on a traversé le fleuve à pied : là, nous nous réjouirons en Lui!

Parmi les dispensations de Dieu le psalmiste en choisit deux des plus remarquables, pour les signaler à l’attention des fidèles, le passage de la mer Rouge et celui du Jourdain. Puis dans le troisième hémistiche, il annonce que ces prodiges doivent se renouveler. Il est à remarquer, en effet, que le verbe (se réjouir) est au futur, même à une forme du futur (futur paragogique) qui en hébreu indique constamment une action qui doit avoir lieu dans l’avenir, tandis que le futur ordinaire peut assez souvent se rendre par le présent ou le passé. C’est donc à tort que plusieurs versions portent : nous nous sommes réjouis en lui. Si l’on voulait laisser au futur toute sa force et soutenir cependant que le psalmiste n’a voulu parler que du passé, on pourrait supposer que, se transportant par la pensée à l’époque où ces miracles eurent lieu et s’associant à la reconnaissance des Israélites qui en furent témoins, il s’écrie conjointement avec eux : nous nous réjouirons en Lui (intention de se réjouir). Mais cette explication nous paraît trop compliquée et nous préférons admettre avec les rabbins, et avec Stier parmi les commentateurs modernes, que ces paroles sont prophétiques et qu’elles annoncent quelque événement semblable au passage de la mer Rouge et du Jourdain, qui doit avoir lieu pour préparer la restauration du peuple d’Israël. De pareils miracles paraissent également annoncés par le prophète Esaïe (Es 11.15-16) et par Zacharie (Za 10.10), ainsi que par un passage de l’Apocalypse où il est dit que l’Euphrate sera desséché pour « préparer la voie aux rois de l’Orient » (Ap 16.12). Remarquons d’ailleurs que toutes les dispensations de la bonté de Dieu, lors même qu’elles ne doivent pas proprement se reproduire, nous donnent l’occasion de nous réjouir. « Les dispensations de Dieu envers son peuple sont une dessiccation sans cesse renouvelée de la mer et du Jourdain » (Hengstenberg). « Quand on les lit avec foi, ces histoires ne sont pas seulement des histoires anciennes ; elles nous paraissent toujours nouvelles et se reproduisent journellement aussi dans notre propre expérience » (Tholûck). — En disant , le psalmiste montre en quelque sorte le lieu où la délivrance nouvelle doit s’accomplir. Comp. Ps 14.5. — Ce verset, indépendamment de son sens littéral, peut s’appliquer à tous les besoins des fidèles. La mort est aussi un Jourdain qu’il faudra passer. « Nous serons joyeux quand nous aurons passé la rivière et que nous serons dans la vie éternelle » (St- Augustin).

Verset 7. Par sa puissance il domine éternellement ; ses yeux observent les nations ; que les rebelles se gardent de s’élever! (Sélah)

La pensée exprimée dans ce verset est particulièrement propre à consoler les enfants de Dieu dans les temps où leur patrie terrestre est menacée par des voisins ambitieux ou déchirée par des factions.

Verset 8. Peuples! bénissez notre Dieu, et faites retentir sa louange!

Les rabbins disent que ce sont les paroles que le peuple d’Israël doit un jour adresser aux Gentils.

Verset 9. C’est Lui qui nous a conservé la vie, et qui n’a pas laissé chanceler nos pieds.

Le premier hémistiche s’applique sans doute premièrement à la vie présente, mais la paraphrase chaldéenne le rapporte aussi, et avec raison, à la vie à venir.

Verset 10. Car tu nous as éprouvés, ô Dieu, tu nous as épurés, comme on épure l’argent.

Cette image, tirée de ce qui se pratique pour les métaux précieux que l’on fait passer au feu, afin de les dégager de leurs scories, se retrouve dans Es 48.10 ; Za 13.9 ; Ps 12.7 ; 1 Pi 1.7. Dans tous les temps nous devons nous attendre à des souffrances et à des tentations ; elles nous sont annoncées ; aussi ne devons-nous pas en être surpris ni effrayés quand elles surviennent.

Verset 11. Tu nous avais amenés dans le filet, tu avais mis sur nos reins un fardeau ;

Les expressions de ce verset et du suivant ne sont évidemment que des images qui représentent les épreuves par lesquelles le peuple d’Israël a déjà passé et celles par lesquelles il doit passer encore avant son rétablissement.

Verset 12. tu avais fait chevaucher sur nos têtes des mortels ; nous étions entrés dans le feu et dans l’eau ; mais tu nous as fait arriver à un lieu bien arrosé.

Le premier hémistiche fait probablement allusion à un champ de bataille sur lequel les morts et les blessés sont foulés par les chevaux. Le feu et l’eau représentent les souffrances les plus terribles. Comp. Es 43.2. « La condition de l’Église nous est mise devant les yeux comme dans un miroir, afin que nous ne soyons point épouvantés comme s’il nous arrivait quelque chose de nouveau, lorsque nous sommes jetés dans le feu ou dans l’eau » (Calvin). — Le lieu bien arrosé représente la Canaan terrestre, image de la céleste.

Versets 13-14. J’entrerai dans ta maison avec des holocaustes, je m’acquitterai envers toi de mes vœux, que mes lèvres avaient proférés et que ma bouche avait prononcés dans ma détresse.

Jusqu’ici c’était le peuple entier qui était censé parler ; mais dans le verset 13 et les suivants, c’est un Israélite pieux qui parle au nom du peuple. « Il emploie le singulier, parce qu’il veut que chaque fidèle entre de cœur dans ce concert général d’actions de grâces » (Calvin). — Sur les holocaustes voyez l’explication de Ps 20.4.

Verset 15. Je t’offrirai en holocauste des bêtes grasses, avec le parfum des béliers ; j’immolerai des taureaux et des boucs (Sélah).

Le parfum des béliers est la fumée qui s’élève lors qu’on consume leur graisse. La traduction qui se trouve dans les Septante et dans d’autres anciennes versions peut aussi se justifier : « Je t’offrirai en holocauste des bêtes grasses, avec le parfum et avec des béliers. » Il y aurait alors allusion au parfum qui s’offrait journellement dans le service divin. Ex 30.34-38. « L’obligation d’aller à la maison de Dieu et de nous acquitter de nos vœux subsiste sous l’Évangile, mais les offrandes ont changé de nature. Les sacrifices institués par la loi ont été abolis par l’oblation que Jésus-Christ a faite de son propre corps une fois pour toutes, sacrifice dont la Sainte-Eucharistie est une commémoration. En célébrant ce sacrement, nous offrons nos prières, nos louanges, nos personnes, nos âmes et nos corps, comme un sacrifice agréable à Dieu, et cela au nom de notre Rédempteur et en nous appuyant sur ses mérites » (Horne).

Verset 16. Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu, et je raconterai ce qu’il a fait à mon âme!

« Les figures établies par la loi ont été abolies ; mais leur sens spirituel demeure, et il est très clairement indiqué dans ce verset où le prophète annonce qu’il se propose de publier les bienfaits de Dieu » (Calvin).

Verset 17. J’ai crié à lui de ma bouche, et il a été exalté sur ma langue.

Nous avons suivi les rabbins qui considèrent le premier mot du second hémistiche comme un verbe ; les commentateurs modernes en font un substantif (louange, glorification). Le sens reste le même. — L’original porte : SOUS ma langue. C’est une locution hébraïque qui correspond à celle que nous avons employée.

Versets 18-20. Si j’eusse dans mon cœur regardé l’iniquité, le Seigneur ne m’eût pas exaucé. Certainement Dieu m’a exaucé, il a été attentif à la voix de ma prière. Béni soit Dieu, qui n’a point repoussé ma prière, ni retiré loin de moi sa bonté!

« Regarder l’iniquité, c’est être adonné au mal » (Calvin). — La pensée exprimée dans le verset 18 a été expliquée à l’occasion de Ps 18.21. Comp. 1 Jn 3.20-21.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 417-424


[1] Allusion au Te Deum qui fait partie du service liturgique du matin dans l’Église anglicane.

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