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Commentaire sur le Psaume 60

  1. Pour le Maître-Chantre. Sur le lys. Témoignage. Cantique d’or.
  2. Pour David. Pour enseigner. Lorsqu’il fut en guerre avec la Syrie des deux fleuves et avec la Syrie de Tsoba, et que Joab revint et battit les Iduméens dans la vallée du Sel, 12.000 hommes.
  1. Ô Dieu! tu nous as rejetés, tu nous as renversés, tu t’es courroucé : tu nous restaureras.
  2. Tu as fait trembler la terre, tu l’as déchirée ; répare ses brèches, car elle chancelle.
  3. Tu as fait voir à ton peuple des choses dures ; tu nous as fait boire un vin d’étourdissement.
  1. Tu as donné à ceux qui te craignent un étendard à déployer, à cause de la vérité (Sélah),
  2. afin que tes bien-aimés soient délivrés. Sauve par ta droite et réponds-nous!
  3. Dieu a parlé dans son sanctuaire : Je veux m’en réjouir! Je partagerai Sichem et je mesurerai la vallée de Succoth.
  4. Galaad est à moi et Manassé est à moi, Éphraïm est le rempart de ma tête, et Juda est mon législateur.
  5. Moab est mon vase d’ablution ; sur l’Idumée je jette mon soulier ; Philistie, pousse des cris en mon honneur!
  1. Qui me conduira à la ville forte? qui me mènera en Idumée?
  2. N’est-ce pas toi, ô Dieu, qui nous avais rejetés, toi, ô Dieu, qui ne sortais plus avec nos armées?
  3. Donne-nous du secours pour sortir de détresse, car l’assistance de l’homme n’est que vanité.
  4. En Dieu nous nous comporterons vaillamment et c’est lui qui foulera nos ennemis.

Ce Psaume est encore un de ceux pour l’explication desquels le titre est d’un grand secours. Les suppositions de De Wette et d’autres rationalistes qui ne voulant pas reconnaître l’authenticité du titre assignent ce Psaume à d’autres temps et à d’autres auteurs, sont si hasardées et même si peu d’accord entre elles qu’il est superflu de les discuter. Si nous consultons les livres historiques pour nous faire une juste idée des circonstances en vue desquelles David a écrit ce Psaume, nous avons lieu de penser que la guerre avec les Syriens est celle dont il est fait mention dans 2 S 8.3-8 ; 1 Ch 18.3-8, comme ayant eu pour les Israélites une issue favorable. Cette victoire fut bientôt suivie d’une seconde, remportée par eux sur les Iduméens, qui peut-être avaient profité du moment où les armées de David étaient occupées contre les Syriens pour envahir son royaume. Cette défaite des Iduméens, mentionnée dans le titre du Psaume est également rapportée dans les livres historiques. 2 S 8.13 ; 1 Ch 18.12. Il est vraisemblable que le Psaume fut composé immédiatement après cette seconde victoire dont le théâtre fut la vallée du Sel, et au moment où David se préparait à en recueillir les fruits en pénétrant à son tour dans l’Idumée pour en faire la conquête, expédition qui paraît indiquée par l’auteur des livres de Samuel quand il dit : « David mit garnison dans toute l’Idumée et tous les Iduméens furent assujettis à David. » 2 S 8.14. Comp. 1 Ch 18.13. La première partie du Psaume s’explique alors très naturellement par le souvenir encore récent des dangers auxquels David et son peuple avaient été exposés dans ces luttes sanglantes contre leurs puissants voisins, tandis que la seconde exprime la confiance avec laquelle ils comptaient sur le secours de l’Éternel pour poursuivre l’ennemi jusque dans l’Idumée (v. 11).

Ce Psaume doit aussi porter nos pensées sur ce royaume du Christ dont celui de David n’était qu’une ombre et sur les triomphes qui lui sont assurés. Mais nous devons principalement apprendre par l’exemple de David à sentir toujours mieux notre entière dépendance de Dieu et la nécessité de nous attacher à ses promesses. « Moins la parole de Dieu habitera en nous, et plus nous serons ballottés entre la crainte et l’espérance ; nous serons les jouets du babil des hommes. Nous serions bien plus affermis dans notre confiance, si nous savions consulter Dieu, comme David le faisait en toutes occasions et écouter les paroles qu’il prononce dans le Sanctuaire. Hélas! dans les temps de guerre, notre cœur s’attache souvent plus à des articles de gazettes qu’à la parole du Sanctuaire » (Rieger).

Il nous reste à expliquer quelques-unes des expressions qui se trouvent dans le titre. — À l’occasion du titre du Psaume 45, nous avons expliqué ce que c’est que le lys. — Ce Psaume est appelé un témoignage, expression que nous avons vue employée en parlant de la parole de Dieu en général. Ps 19.8. — Pour Cantique d’or, voyez les Psaumes précédents. — Les mots pour enseigner indiquent que le psalmiste attachait une importance particulière aux instructions renfermées dans ce Psaume. « C’est comme s’il disait : les événements doivent enseigner que mon gouvernement est agréable à Dieu puisqu’il l’honore de tant de bénédictions aux yeux des hommes » (Calvin). — La Syrie des deux fleuves, aussi appelée dans la Bible, plaine de Syrie (Gn 31.18), était la vaste contrée qui se trouve bornée à l’est par le Tigre, à l’ouest par l’Euphrate, au nord par la chaîne du Taurus et au sud par la Babylonie. Ce pays, très fertile dans sa partie septentrionale, et généralement connu sous le nom de Mésopotamie, était la patrie de la famille d’Abraham. Un passage des livres historiques donne lieu de croire qu’à l’époque de David les princes de la Mésopotamie étaient vassaux du roi de la Syrie de Tsoba. 2 S 10.16,19. Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, elle faisait partie de l’empire d’Assyrie (2 R 19.13), plus tard elle fit partie des monarchies babylonienne et persane. — La position de la Syrie de Tsoba ne peut pas être déterminée avec une entière certitude ; il est probable que c’est une contrée au nord-est de Damas, entre l’Euphrate et l’Oronte. — Les Iduméens, descendants d’Ésaü, habitaient la contrée montagneuse et fertile qui s’étend depuis la mer Morte à la mer Rouge. La Bible nous les montre fréquemment en conflit avec les Israélites. — La vallée du Sel était située au sud de la mer Morte ; elle est riche en couches salines qui sont encore aujourd’hui exploitées par les Arabes. — Le titre du Psaume attribue la victoire sur les Iduméens à Joab, tandis que dans les livres de Samuel elle l’est à David et dans les Chroniques à Abisaï. Mais on peut facilement se rendre compte de ces divergences en supposant que les auteurs sacrés ont voulu faire honneur de cette bataille gagnée dans la vallée du Sel, l’un à Abisaï qui avait dans cette occasion le commandement de l’armée israélite, l’autre à son frère Joab qui était revêtu de la dignité de général en chef et le troisième au roi lui-même. Il n’est pas plus difficile d’expliquer pourquoi dans le titre du Psaume le nombre des Iduméens qui furent défaits dans cette occasion est évalué à douze mille hommes, tandis que dans les livres historiques il est porté à dix-huit mille hommes. L’armée iduméenne peut avoir été divisée en deux corps, l’un de douze mille combattants, l’autre de six mille, et l’auteur du Psaume aurait eu en vue la défaite du premier de ces corps, qui constituait la force principale de l’ennemi, tandis que les auteurs des livres historiques auraient voulu indiquer la perte totale des Iduméens. On sait d’ailleurs que de nos jours encore les récits de différents historiens sur les résultats d’une bataille peuvent varier assez sensiblement, suivant le point de vue auquel ils se sont placés (Exemple : les rapports sur l’expédition de Crimée).

Dans la première strophe, le psalmiste fait un tableau saisissant des périls par lesquels son royaume venait de passer et qui ne se trouvaient pas encore entièrement dissipés (3-5) ; dans la seconde, il puise des motifs d’espérance dans la considération des promesses de l’Éternel (6-10) ; la troisième exprime sa confiance en l’heureuse issue de l’expédition qu’il allait entreprendre contre l’Idumée (11-14).

Verset 3. Ô Dieu! tu nous as rejetés, tu nous as renversés, tu t’es courroucé : tu nous restaureras.

Le verbe hébreu (paratz) que nous traduisons par renverser, s’emploie ordinairement en parlant d’un mur ou d’une cloison que l’on démolit ; il renferme donc une image (Comp. Ps 80.13). — « En disant que Dieu a été en courroux, il découvre la source de tous les maux » (Calvin). « Lorsque l’Église par ses péchés a rejeté Dieu, elle est rejetée par Lui, livrée entre les mains de ses ennemis et persécutée ; mais lorsqu’elle revient à Lui par la repentance et des supplications, il est prêt à venir au-devant d’elle et à la recevoir. L’histoire d’Israël d’un bout à l’autre est une preuve de cette vérité. Chaque église et chaque individu devrait en faire son profit » (Horne).

Verset 4. Tu as fait trembler la terre, tu l’as déchirée ; répare ses brèches, car elle chancelle.

Les bouleversements qui ont lieu dans la société sont fréquemment comparés par les poètes hébreux à ceux de la nature (Comp. Ps 18.8).

Verset 5. Tu as fait voir à ton peuple des choses dures ; tu nous as fait boire un vin d’étourdissement.

Les maux comme les biens sont plus d’une fois représentés sous l’image d’une coupe ou d’une boisson que Dieu fait boire aux hommes. Ps 16.5, 23.5. Le « vin d’étourdissement » représente des châtiments qui par leur intensité portent le trouble dans l’âme.

Versets 6-7. Tu as donné à ceux qui te craignent un étendard à déployer, à cause de la vérité (Sélah), afin que tes bien-aimés soient délivrés. Sauve par ta droite et réponds-nous!

Ces versets font probablement allusion à la victoire que l’armée israélite venait de remporter dans la vallée du Sel par le secours de Dieu, et ce secours est représenté par l’image d’un étendard déployé et haut élevé, dont la vue remplit les combattants de courage et d’espérance. — Les mots à cause de la vérité, expriment la conviction que ce secours avait été accordé en vertu des promesses de Dieu qui ne peuvent manquer de s’accomplir. Le fait énoncé dans ces versets se reproduit d’ailleurs dans toutes les délivrances dont les fidèles sont les objets (Comp. Ex 17.15). Mais ces paroles s’accompliront encore sur une beaucoup plus grande échelle lorsque le royaume du Messie s’établira sur la terre ; c’est en sa personne qu’un étendard sera déployé aux yeux du monde entier, selon cette prophétie d’Esaïe : « En ce jour-là il arrivera que les nations rechercheront la racine d’Isaï, dressée pour être l’enseigne des peuples. » Es 11.10. Déjà maintenant la personne du Christ est pour tous les vrais croyants ce qu’un étendard est pour une armée, un point de ralliement, un centre d’unité[1]. — On considère ordinairement le verset 6 comme appartenant encore à la première strophe, mais alors on est obligé de rapporter la conjonction (lemahan) par laquelle commence le v. 7 au second hémistiche de ce verset, tandis qu’elle se rapporte ordinairement à ce qui précède.

Verset 8. Dieu a parlé dans son sanctuaire : Je veux m’en réjouir! Je partagerai Sichem et je mesurerai la vallée de Succoth.

Le psalmiste fonde sa confiance sur quelque révélation particulière qu’il avait reçue de l’Éternel, ou bien sur quelque oracle prononcé par le prophète Samuel, ou enfin sur les prophéties contenues dans le Pentateuque, qui assuraient au peuple d’Israël la paisible possession du pays de Canaan, et la victoire sur ses ennemis (Comp. Gn 49 ; Dt 33). C’est avec raison qu’il ne s’appuyait pas seulement sur les délivrances précédentes, mais sur la parole de Dieu. « Bien que Dieu nous entoure d’exemples de sa bonté, ils ne nous seront véritablement salutaires que pour autant que sa parole luira devant nous comme un flambeau » (Calvin). — Pour le premier hémistiche nous avons suivi les anciennes traductions ; celle des modernes peut également se justifier : Dieu a parlé dans sa sainteté (c’est-à-dire : comme étant le Dieu saint, et par conséquent fidèle et immuable). L’idée principale reste la même. — Le morceau qui commence par les mots : Je veux m’en réjouir, et qui va jusqu’à la fin du v. 10, ne doit pas être considéré comme une déclaration de Dieu lui-même ; c’est toujours David qui parle et qui rapporte la substance de l’oracle émané de la bouche de Dieu. Cet oracle nous rappelle aussi ceux qui annoncent les victoires du fils de David sur ses ennemis (Comp. 1 Co 15.32). — Sichem, ville de la tribu d’Éphraïm, située dans une fertile vallée entre les monts Ebal et Garizim ; elle fut pendant quelque temps le chef-lieu du royaume des dix tribus. On croit que c’est à peu près sur son emplacement que se trouve aujourd’hui la ville de Naplouse. — La ville de Succoth était située dans la tribu de Gath sur la rive gauche du Jourdain ; elle n’existe plus.

Verset 9. Galaad est à moi et Manassé est à moi, Éphraïm est le rempart de ma tête, et Juda est mon législateur.

Le pays de Galaad était un pays montagneux, sur la rive gauche du Jourdain, couvert de riches pâturages et de forêts de chênes et de pins, dans lesquelles on recueillait un baume précieux. Jr 8.22. Aujourd’hui encore cette contrée est renommée par sa fertilité ; les Bédouins disent : « Tu ne saurais trouver un pays comme le Belka. » Le psalmiste fait peut-être à dessein mention de ce territoire parce qu’il était resté entre les mains de la famille de Saül. 2 S 2.8-9. — Le territoire de la tribu de Manassé se trouvait en partie dans le pays de Galaad, et en partie entre celle d’Éphraïm et la Méditerranée. — La tribu d’Éphraïm occupait un territoire considérable entre le Jourdain et la Méditerranée, par son étendue et sa population elle avait une grande influence, c’est pourquoi David était fondé à la nommer, le rempart de sa tête. Mais ce fut celle qui après Salomon entraîna les autres tribus dans le schisme et dans l’idolâtrie. — La tribu de Juda occupait aussi un territoire assez considérable, situé entre la mer Morte, la Méditerranée, la tribu de Benjamin et l’Égypte. Elle mérita le nom de législateur parce qu’elle exerça de tout temps sur les autres une sorte de principauté et une grande influence morale. Après le schisme elle constitua avec la tribu de Benjamin le royaume de Juda, qui resta fidèle à la maison royale et au culte du vrai Dieu. Cette tribu est probablement appelée ici législateur par allusion au passage du testament prophétique de Jacob, qui se rapportait au législateur suprême, c’est-à-dire au Messie, qui devait appartenir à cette tribu. Gn 49.10.

Verset 10. Moab est mon vase d’ablution ; sur l’Idumée je jette mon soulier ; Philistie, pousse des cris en mon honneur!

Les Moabites, descendants de Lot, tombés dans l’idolâtrie, occupaient une contrée montagneuse et assez fertile à l’est du Jourdain et de la mer Morte. L’Écriture nous les montre souvent en guerre avec les Israélites. Faire du pays de Moab son vase d’ablution, c’était le traiter avec mépris, comme une chose vile. L’expression : je jette mon soulier sur l’Idumée paraît avoir le même sens ; c’est comme nous dirions : fouler aux pieds. — Les Philistins étaient, à ce que l’on croit, une colonie venue de l’île de Crête ; ils habitaient un territoire situé au sud-ouest de la Judée, entre la Méditerranée et les montagnes de Juda. — Il s’agit des cris poussés en l’honneur des vainqueurs, acclamations souvent arrachées sans doute par la nécessité (Comp. Ps 18.45).

Verset 11. Qui me conduira à la ville forte? qui me mènera en Idumée?

On ne peut pas déterminer quelle ville forte le psalmiste avait en vue. Selon de Wette et d’autres, c’est peut-être Pétra[2], ville de l’Arabie-Pétrée qui, sous la domination des Romains, s’éleva à un haut degré de splendeur et dont il reste encore des ruines très remarquables. Ce pourrait aussi être Botsra, autrefois capitale de l’Idumée, qui est encore aujourd’hui une ville considérable, et qui paraît devoir être le théâtre de grands jugements lors du second avènement de Jésus-Christ. Es 63.1.

Verset 12. N’est-ce pas toi, ô Dieu, qui nous avais rejetés, toi, ô Dieu, qui ne sortais plus avec nos armées?

Remarquez le contraste entre ce verset et le verset 3.

Verset 13. Donne-nous du secours pour sortir de détresse, car l’assistance de l’homme n’est que vanité.

On peut aussi traduire : « Donne-nous du secours contre l’ennemi. » — La pensée exprimée dans le second hémistiche est d’une grande importance. « Puisse-t-elle être profondément gravée dans nos cœurs! D’où vient que le monde entier vacille toujours ou bien s’enfle par de vaines espérances, oubliant Dieu, si ce n’est de ce que personne ne goûte le salut de Dieu, qui devrait suffire à lui seul? » (Calvin). Comp. Ps 33.16-17, Ps 39.6.

Verset 14. En Dieu nous nous comporterons vaillamment et c’est lui qui foulera nos ennemis.

L’expression en Dieu a été expliquée à l’occasion de Ps 18.30.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 387-394


[1] Plusieurs versions ont suivi la traduction des Septante qui ont confondu le dernier mot de ce verset (kochet) qui signifie vérité avec un autre mot qui lui ressemble beaucoup (kéchet) qui signifie un arc. Ces versions portent : « Tu as donné à ceux qui te craignent un étendard pour s’enfuir de devant l’arc. »

[2] C’est la ville qui chez les Hébreux s’appelait Séla (rocher), à cause de sa situation très forte entre des rochers de 80 pieds de haut. Comp. 2 R 14.7.

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