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Commentaire sur le Psaume 14

 

  1. Pour le Maître-chantre ; pour David. L’insensé dit en son cœur : « Il n’y a point de Dieu. » Ils se sont corrompus, ils ont rendu leur œuvre abominable ; il n’y en a aucun qui fasse le bien.
  2. L’Éternel examine des cieux les enfants des hommes, pour voir s’il y en a un qui soit intelligent, qui cherche Dieu.
  3. Ils se sont tous détournés, tous ensemble ils se sont pervertis ; il n’y en a point qui fasse le bien, pas même un.
  4. N’ont-ils point de connaissance, tous ces ouvriers d’iniquité? Ils dévorent mon peuple comme du pain, et l’Éternel, ils ne l’invoquent point!
  1. Là ils ont été saisis de terreur, car Dieu est avec la race juste.
  2. Rendez confus l’affligé dans son dessein! Car l’Éternel est son refuge.
  3. Qu’elle arrive de Sion la délivrance d’Israël! Lorsque l’Éternel se tournera vers la captivité de son peuple, Jacob sera joyeux, Israël se réjouira!

Nous pensons comme Calvin et plusieurs autres commentateurs, que ce Psaume fut provoqué, ainsi que les précédents, par les persécutions de Saül. On peut le rapprocher surtout des traits si énergiques sous lesquels le psalmiste dépeint le caractère des méchants dans les Psaumes 9, 10 et 12, ainsi que les maux qu’ils faisaient endurer aux fidèles et à ceux qui étaient le véritable Israël, « la race juste » (v. 5). Mais de même que, dans les Psaumes que nous venons de nommer, sa pensée allait au-delà du peuple d’Israël et s’étendait jusqu’aux nations, qui elles aussi s’attiraient les jugements de Dieu, ici elle embrasse l’humanité tout entière, qu’il voit plongée dans le mal (Comp. 1 Jean 5.19). C’est pourquoi les premiers versets de notre Psaume sont cités par St-Paul dans l’Épître aux Romains 3.10-12, lorsqu’il veut établir que tous les hommes, tant les Juifs que les Gentils, sont assujettis au péché et à la condamnation. Aussi la lecture de ce remarquable Psaume pourra nous être très profitable en portant notre attention sur notre misère, dont il est rare que nous nous fassions une idée juste et que nous perdons trop facilement de vue.

Cependant ce Psaume porte aussi nos pensées sur une vérité consolante ; il y est question d’une délivrance que le psalmiste attend avec confiance. David se console lui-même et console les autres fidèles, ses contemporains, en annonçant que le Dieu juste qui gouverne le monde ne laissera pas toujours la puissance aux méchants. Mais son regard prophétique plongeant dans l’avenir, y entrevoit d’autres conséquences de cette vérité et d’autres délivrances. Aussi on peut considérer ce Psaume comme s’étant accompli en divers temps et sous diverses formes, notamment lorsque David fut délivré de Saül, qui l’avait persécuté si longtemps et lorsque le peuple d’Israël fut délivré de la captivité de Babylone ; il doit s’accomplir encore lorsque ce même peuple, aujourd’hui de nouveau dispersé et éloigné du pays de ses pères, sera reçu en grâce et rétabli selon les promesses. Mais le sens du mot délivrance n’est pas épuisé par des événements de ce genre ; le psalmiste pressentait et attendait sans aucun doute celle après laquelle l’humanité tout entière soupirait depuis sa chute, délivrance qui a commencé à s’effectuer lors de la première venue du Fils de Dieu et qui s’opère journellement chez tous les véritables croyants ; ils sont affranchis de la peine du péché et de sa puissance, après avoir été captifs de la loi du péché qui était dans leurs membres (Rm 7.23) ; cette délivrance ne déploiera tous ses effets que lors du second avènement du Christ, lorsque le Libérateur viendra pour Sion. Es 59.20. Aussi ce n’est pas sans raison que les auteurs de la version syriaque ont intitulé ce Psaume : Les fidèles désirant et attendant le Christ.

On peut diviser ce Psaume en deux strophes, dont la première dépeint la corruption profonde qui règne sur la terre (1-4), tandis que la seconde fait connaître que le secours se trouve en Dieu (5-7).

Verset 1. Pour le Maître-chantre ; pour David. L’insensé dit en son cœur : « Il n’y a point de Dieu. » Ils se sont corrompus, ils ont rendu leur œuvre abominable ; il n’y en a aucun qui fasse le bien.

Dans plusieurs passages de l’Ancien Testament aussi bien qu’ici, le nom d’insensé (en hébreu nabal) est donné à ceux qui vivent dans le péché, dans l’éloignement de Dieu. Dt 32.6 ; 1 S 25.25 ; 2 S 3.33, etc. C’est avec raison que les auteurs sacrés considèrent le péché comme un acte de folie, comme une œuvre qui est contraire aux véritables intérêts de l’homme et qui trouve son châtiment en elle-même. St-Paul nous déclare également que l’homme, par la chute, a été privé de son intelligence, qu’il est devenu fou. Rm 1.21, 22. Rappelons-nous cette vérité toutes les fois que nous sommes tentés de nous laisser éblouir par le vain éclat du monde, par sa fausse science et son orgueilleuse philosophie. L’homme le plus savant, le plus admiré et le plus applaudi n’est devant Dieu qu’un insensé aussi longtemps que la grâce n’a pas changé son cœur. En son cœur, parce que c’est toujours du cœur que procède l’incrédulité. Voyez Ps 10.6. — II n’y a point de Dieu. Voyez l’explication de Ps 10.4. « Les preuves de l’existence de Dieu sont si nombreuses qu’il faut bien être un insensé pour n’en être pas frappé » (Tholuck). L’homme naturel est toujours très disposé à dire : « Il n’y a point de Dieu. » Le cœur irrégénéré est inimitié contre Dieu. Rom 8.7. — Ils se sont corrompus. C’est avec raison que David signale l’incrédulité, avouée ou cachée dans le cœur, comme la source des mauvaises œuvres. L’expression ils se sont corrompus (la traduction la plus littérale serait peut-être : ils ont corrompu leur œuvre et l’ont rendue abominable), rappelle le fait de la chute, l’existence d’un état primitif d’innocence et de sainteté, dont l’homme est sorti. Le mot œuvre est au singulier, peut-être pour faire sentir que ce n’est pas seulement telle ou telle œuvre qui est mauvaise, mais que la vie toute entière, considérée comme une œuvre unique, est infectée par le péché. La vie de l’homme régénéré est aussi représentée comme une œuvre unique. « L’œuvre de Dieu, disait Jésus Christ aux Juifs, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Jean 6.29.

« II n’y en a aucun qui fasse le bien. » Cette déclaration peut sembler une exagération, et cependant il n’y a rien à en retrancher. C’est bien là la condition naturelle de l’homme depuis la chute. Malgré tous les progrès de la civilisation, des sciences, des arts, de l’industrie, l’humanité ne ressemble encore que trop au portrait qui en est tracé dans ce verset. Les événements qui se sont passés dans notre vieille Europe depuis un quart de siècle ont mis au jour une corruption dont on ne s’était pas douté. « Tous, tant que nous sommes, nous apportons en sortant du sein de notre mère cette folie et cette puanteur, et nous demeurons tels jusqu’à ce que Dieu ait fait de nous de nouvelles créatures par une opération mystérieuse de sa grâce » (Calvin).

Verset 2. L’Éternel examine des cieux les enfants des hommes, pour voir s’il y en a un qui soit intelligent, qui cherche Dieu.

L’Éternel considère des cieux. Vérité redoutable pour l’impie, consolante pour le fidèle. Voyez Ps 11.4. L’homme intelligent est opposé à l’insensé du verset 1. Être intelligent, être sage, c’est en général se proposer dans la vie un but digne de l’homme et employer les meilleurs moyens pour l’atteindre ; selon l’Écriture, c’est chercher le souverain bien, c’est chercher notre bonheur dans la communion avec Dieu et dans l’accomplissement de sa volonté. Comp. Ps 2.10 ; Pour 1.2, 5. Ici le psalmiste explique lui-même que l’homme intelligent est celui qui cherche Dieu. Cette dernière expression est assez fréquente dans l’Écriture pour indiquer le désir de connaître Dieu et de le servir d’une manière qui lui soit agréable ; désir accompagné d’efforts sincères et de prières.

Verset 3. Ils se sont tous détournés, tous ensemble ils se sont pervertis ; il n’y en a point qui fasse le bien, pas même un.

Ils se sont détournés. On peut sous-entendre : de Dieu (Hengstenberg), ou bien : de la droite voie (Kimchi). Nouvelle allusion à l’état primitif de l’homme. Le mot hébreu que nous rendons par pervertir, signifie proprement : devenir aigre. Comp. Job 15.16.

Verset 4. N’ont-ils point de connaissance, tous ces ouvriers d’iniquité? Ils dévorent mon peuple comme du pain, et l’Éternel, ils ne l’invoquent point!

Qui dévorent mon peuple. Le psalmiste a particulièrement en vue les grands et les puissants, les magistrats impies qui opprimaient et exploitaient la race juste. Voyez la même image Mi 3.1-3 ; Mt 23.14. Le peuple opprimé est appelé mon peuple, parce que dans ce verset c’est Dieu qui est censé parler. Il dit que les méchants le dévorent comme du pain, c’est à dire sans aucun scrupule, comme si c’était l’action la plus ordinaire. — Ils n’invoquent point l’Éternel. David remonte encore une fois à la cause première de toutes les mauvaises œuvres. L’homme qui ne demeure pas en communion avec Dieu par la prière journalière ne peut qu’être porté au mal et à toutes sortes d’injustices envers son prochain. Aussi l’expression invoquer l’Éternel se trouve plusieurs fois dans l’Écriture pour désigner la piété en général, une vie religieuse. Voyez Gn 4.26, 12.8 ; Ps 79.6, 99.6 ; Jl 2.32 ; 2 Tm 2.19.

Verset 5. Là ils ont été saisis de terreur, car Dieu est avec la race juste.

Là ils ont tremblé de terreur. Le psalmiste voit si distinctement par les yeux de la foi les jugements de Dieu qui s’exécuteront sur les oppresseurs de son peuple, qu’il se représente même le lieu où la scène se passera, « C’est comme s’il les montrait du doigt » (Calvin). On pourrait aussi traduire : alors (savoir à l’époque du jugement) ils seront saisis d’effroi. Race juste. Voyez l’explication de Ps 1.5-6.

Verset 6. Rendez confus l’affligé dans son dessein! Car l’Éternel est son refuge.

Suivant Aben-Esra, Calvin, Michaëlis et d’autres, le psalmiste reproche aux méchants les propos outrageants qu’ils se permettaient sur la conduite des fidèles et sur leur confiance en Dieu qui, aux yeux du monde, n’est que de la simplicité. « Assurément, aux yeux de la chair rien n’est plus absurde que de continuer à mettre sa confiance en Dieu, tandis qu’il ne vient pas à notre aide » (Calvin). D’après cette explication, on traduit ce verset : « Vous faites rougir l’affligé de son dessein, parce que l’Éternel est son refuge. » Ce passage pourrait alors être rapproché des outrages auxquels notre Seigneur fut exposé sur la croix. Mt 27.43. Mais cette idée aurait été mieux placée dans la première strophe, qui trace le portrait des méchants, que dans la seconde, où le psalmiste annonce que la justice de Dieu se manifestera en rendant à chacun selon ses œuvres. Nous préférons donc l’explication donnée par Hengstenberg et quelques autres commentateurs, selon lesquels il y aurait dans ces paroles une certaine ironie. Le psalmiste, voulant faire sentir aux méchants l’impuissance de leurs efforts, leur dit : Continuez seulement à dresser vos machinations contre les justes ; vous ne leur ferez aucun mal, car ils ont Dieu pour protecteur et pour ami.

Verset 7. Qu’elle arrive de Sion la délivrance d’Israël! Lorsque l’Éternel se tournera vers la captivité de son peuple, Jacob sera joyeux, Israël se réjouira!

Parole de désir et d’espérance et en même temps parole prophétique. — Nous avons vu, en expliquant Ps 2.6, pourquoi c’est de Sion que la délivrance est attendue. Voyez aussi Ps 3.5, 110.2 ; Es 2.3, 59.20 ; Rm 11.26. — L’expression captivité s’employait quelquefois comme image d’un état de souffrance ; ainsi il est dit que « Dieu se tourna vers la captivité de Job. » Jb 42.10. David pouvait donc avoir en vue le triste état des justes de son temps. Mais l’Esprit de prophétie l’avait poussé à s’en servir pour annoncer des délivrances bien plus importantes et plus glorieuses. Voyez l’introduction à ce Psaume.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes, p. 129-134

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