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Commentaire sur le Psaume 127

Cantique des degrés. Pour Salomon.

  1. Si ce n’est pas l’Éternel qui bâtit la maison, ceux qui la bâtissent se fatiguent en vain ; si ce n’est pas l’Éternel qui garde la ville, le gardien veille en vain.
  2. C’est en vain que vous vous levez matin, que vous tardez à vous coucher, et que vous mangez un pain de labeur, tandis qu’il donne à son bien-aimé le sommeil.
  3. Voici, les fils sont un don de l’Éternel, et le fruit des entrailles est une récompense.
  4. Pareils à des flèches dans la main d’un homme puissant, sont les fils nés dans la jeunesse.
  5. Heureux l’homme qui en a rempli son carquois! Il ne sera point confus, quand il parlera avec des ennemis aux portes.

 

Ce psaume est fort court, mais éminemment instructif. Son contenu s’accorde très bien avec son titre : pour Salomon (Comp. titre de Ps 72). Le roi-prophète, en s’occupant de l’avenir qui attendait son fils bien-aimé et des devoirs qu’il aurait à remplir tant comme souverain que comme simple fidèle, devait naturellement désirer qu’il fût profondément pénétré de la pensée que tous ses biens et tous ses honneurs étaient un don de l’Éternel et que ses entreprises ne pouvaient prospérer qu’avec la bénédiction d’En haut. Tel est le but de ce Psaume, et c’est bien aussi sous l’influence de cette pensée que nous voyons le successeur de David se conduire pendant une grande partie de sa carrière ; il nous rappelle cette même vérité dans le livre des Proverbes, dont il est l’auteur, ainsi quand il dit : C’est la bénédiction de l’Éternel qui enrichit (Pr 10.22). Mais il n’y a pas de raison suffisante pour admettre, comme Hengstenberg et d’autres commentateurs modernes, que c’est aussi Salomon lui-même qui a composé ce Psaume. Dans la version syriaque, l’une des plus respectables par son antiquité, il est intitulé : « Composé par David au sujet de Salomon. » Cependant, en l’écrivant, la pensée du psalmiste ne s’est sans doute pas arrêtée à Salomon ; il a destiné cette instruction aux fidèles de tous les temps et de tous les lieux, qui ont tous besoin de se souvenir que c’est de Dieu seul que vient la bénédiction. Ce serait toutefois bien mal comprendre ce Psaume que d’en faire usage pour autoriser ou excuser la paresse, l’insouciance, la négligence des soins nécessaires pour assurer le bien-être des peuples, des familles, des individus. Ce n’est pas le travail en général qu’il nous défend, ni une légitime sollicitude pour les intérêts qui nous sont confiés, c’est un travail inquiet, fiévreux, qui se ferait sans prière, sans confiance en Dieu et en ne comptant que sur nos propres forces. C’est de la même manière qu’il faut entendre des passages du Nouveau Testament comme Mt 6.25,31 ; Ph 4.6, qui nous recommandent de ne nous inquiéter de rien. En revanche, cet enseignement du roi-prophète peut nous donner beaucoup d’encouragement et de consolation toutes les fois que nous sommes engagés dans quelque travail entrepris avec prière, et poursuivi avec foi, avec simplicité et dans une humble dépendance de Dieu, car il nous garantit qu’alors nous ne travaillerons pas en vain et que nous aurons part aux récompenses que Dieu réserve à ses bien-aimés. Aussi est-ce un Psaume particulièrement utile pour les princes, les magistrats, les pères de famille, et en général pour tous ceux qui se trouvent chargés de quelque direction et de quelque entreprise.

Si ce Psaume se trouve placé à côté d’autres Psaumes qui se rapportent essentiellement à la restauration finale d’Israël, c’est avec raison ; car lorsque ce peuple commencera à se voir entouré d’une gloire bien supérieure à celle du règne de Salomon et à jouir de la présence du véritable Salomon, lorsqu’il contemplera de ses yeux la maison de Dieu relevée comme par miracle, la ville sainte sortant de ses ruines, et les enfants de la promesse accourant à lui de toutes parts (comp. Es 49.18-23), c’est bien alors qu’il comprendra, mieux que jamais, que son rétablissement est l’œuvre DE L’ÉTERNEL et non la sienne ; il sera bien évident que c’est lui qui a bâti la maison, gardé la ville, et rendu la fécondité à la mère longtemps stérile.

Verset 1. Si ce n’est pas l’Éternel qui bâtit la maison, ceux qui la bâtissent se fatiguent en vain ; si ce n’est pas l’Éternel qui garde la ville, le gardien veille en vain.

« Ces paroles ne sont pas dirigées contre le travail et la vigilance, mais contre l’orgueil et l’ingratitude des hommes qui s’attribuent la gloire à eux seuls » (Calvin). — Il ne faut probablement pas prendre le mot maison seulement dans le sens matériel, mais y joindre l’idée de famille. — Les deux premiers hémistiches représentent l’une des principales directions de l’activité de l’homme (le travail), les deux derniers représentent l’autre (la défense de sa demeure et des autres biens qu’il possède). — Dieu est le gardien suprême. Ps 121.3.

Verset 2. C’est en vain que vous vous levez matin, que vous tardez à vous coucher, et que vous mangez un pain de labeur, tandis qu’il donne à son bien-aimé le sommeil.

La pensée que le psalmiste a exprimée dans ce verset n’est pas difficile à saisir. Il veut rappeler qu’avec tous ses soucis, tous ses efforts, toute son agitation et tous les sacrifices qu’il s’impose, l’homme n’arrive à aucun résultat satisfaisant si Dieu n’y met pas sa bénédiction, et que c’est cette bénédiction qu’il faut considérer comme la cause réelle de tout succès et de tout bonheur. « Il faut que rien n’obscurcisse la grâce de Dieu » (Calvin). Mais le quatrième hémistiche est obscur ; dans l’original il ne contient que ces mots : ainsi il donne à son bien-aimé sommeil. Calvin, Hengstenberg, Stier et d’autres encore pensent qu’il faut sous-entendre une préposition (dans, pendant, par) devant le mot sommeil, en sorte que le psalmiste aurait voulu dire que les fidèles reçoivent comme en dormant (sans faire beaucoup d’efforts, sans se livrer à de vaines inquiétudes, en se reposant avec confiance sur leur Père céleste) tout autant de biens et de bonheur que les mondains avec tout le tourment qu’ils se donnent. On traduit alors : Il en donne autant à son bien-aimé dans le sommeil. C’est la traduction que nous trouvons dans la version hollandaise et dans celles de Cahen et de Perret-Gentil. Elle présente une idée juste en elle-même et qui irait bien dans le contexte, mais on ne peut guère supposer que le psalmiste, s’il eût voulu l’exprimer, eût omis la préposition qui devait déterminer l’emploi qu’il faisait du mot sommeil. C’est pourquoi nous avons préféré l’explication des rabbins, avec laquelle s’accordent les versions syriaque, anglaise et italienne, et qui présente aussi une pensée instructive et édifiante. Seulement il ne faut pas prendre le mot sommeil dans un sens trop restreint ; le bienfait que Dieu accorde aux fidèles, c’est bien sans doute un sommeil paisible, mais c’est surtout la paix de l’âme, l’absence de craintes et de soucis, la confiance en ses promesses. Il ne reste à expliquer que la particule (en hébreu ken) qui commence l’hémistiche. Elle signifie généralement ainsi, et c’est le sens que lui ont conservé plusieurs versions, mais il nous paraît probable qu’ici elle doit indiquer un rapport dans le temps plutôt que dans le mode d’action ; c’est comme si le psalmiste avait voulu dire : Dans le même temps où les mondains se tourmentent et s’agitent, Dieu accorde à ses enfants une disposition d’âme paisible et sereine. Cette supposition est confirmée par la version des Septante qui ont traduit : lorsqu’il donne à ses bien-aimés le sommeil.

Verset 3. Voici, les fils sont un don de l’Éternel, et le fruit des entrailles est une récompense.

Si la bénédiction divine est nécessaire à l’homme pour qu’il ait une demeure et qu’il puisse l’habiter en paix, pour voir prospérer son travail et pour posséder le contentement d’esprit, c’est aussi à elle qu’il est redevable des joies de la famille, et même dans ce cas la nécessité du concours divin est encore plus évidente. Comme le dit très bien Calvin, « Dieu honore de la qualité de père ceux qu’il veut. La naissance des enfants ne doit être attribuée ni à la vigueur des parents, ni au hasard. » Il ajoute : « Encore faut-il que les enfants tournent bien pour être véritablement un sujet de joie. » Et c’est encore de Dieu qu’il dépend qu’ils aient une bonne santé et que leur éducation réussisse. Oh! quel encouragement, quel stimulant les pères et les mères devraient savoir trouver dans cette pensée que les enfants sont un don de l’Éternel! — Littéralement : une possession, ou un héritage de l’Éternel.

Verset 4. Pareils à des flèches dans la main d’un homme puissant, sont les fils nés dans la jeunesse.

Dans ce verset et le suivant, le psalmiste rappelle que les enfants sont pour leurs parents un appui, un honneur, et souvent leurs défenseurs au milieu de la société. « Celui qui est sans enfants est désarmé, isolé » (Calvin). Un proverbe chinois dit que lorsqu’il naît un fils, c’est comme si l’on suspendait un arc rempli de flèches à la porte de la maison. — Littéralement : fils de la jeunesse, c’est-à-dire ceux qui naissent de parents encore jeunes, et qui, pour cette raison, « sont particulièrement forts et robustes » (Kimchi).

Verset 5. Heureux l’homme qui en a rempli son carquois! Il ne sera point confus, quand il parlera avec des ennemis aux portes.

En hébreu, les verbes du second et du troisième hémistiches sont au pluriel et se rapportent, selon les uns aux parents, selon d’autres (Hengstenberg) aux enfants, selon d’autres encore (Abenesra, Kimchi) à la fois aux parents et aux enfants. Il nous paraît plus probable qu’il ne s’agit que des parents, et c’est pourquoi nous avons remplacé le pluriel par le singulier, afin de rendre plus clairement la pensée dans notre langue ; en cela nous avons suivi l’exemple de la Vulgate, de Sacy et de Perret-Gentil. — Aux portes, comparez Ps 69.13.

Pasteur Armand de Mestral, Commentaire sur le livre des Psaumes – Tome 2, p. 297-301

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