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Réformé et fondamentaliste… synonymes?

Le christianisme historique est un gigantesque arbre complexe où l’on retrouve des traditions et des tendances extrêmement variées. Comme dans n’importe quel phénomène social complexe, il n’est pas toujours évident de s’y retrouver et d’y voir clair. Ce faisant, il est fréquent que des observateurs de type béotiens confondent tous les chrétiens comme s’ils représentaient tous la même chose. Mais même les observateurs avertis ont parfois de la difficulté à distinguer entre certaines tendances qu’on retrouve dans le monde chrétien.

Un proverbe latin dit: « Bene docet, qui bene distinguit« , qui se traduit par quelque chose comme: « Qui distingue bien, apprend bien ». Une connaissance rustre est une connaissance sans nuance, bien connaître c’est l’art de faire les bonnes distinctions.

Où est-ce que je veux en venir? Tout simplement à une question qui me fut posée récemment. Dans une conversation sur l’importance d’avoir des convictions tout en évitant l’arrogance, un ami m’a cité le grand penseur catholique G.K. Chesterton, qui dit: « Ce n’est pas de la bigoterie qu’être certain d’avoir raison ; mais cela l’est d’être incapable d’imaginer que l’on puisse se tromper. »

Connaissant mon opiniâtreté doctrinale, je présume que mon ami fut un peu étonné que je fusse (subjonctif imparfait) en accord avec cette affirmation, puisque par la suite il me demanda: « Considères-tu que la doctrine réformée est fondamentaliste ? Sinon, quelles seraient les différences les plus significatives entre la doctrine réformée et une doctrine fondamentaliste ? » De toute évidence, cet ami ne voit pas une différence nette entre l’approche réformée et l’approche fondamentaliste.

Réalisant qu’il n’est probablement pas le seul à voir les réformés comme des fondamentalistes (ou à tout le moins de proches cousins), probablement du fait que ces deux groupes ont beaucoup en commun dans le domaine doctrinal, j’ai cru bon de publier ma réponse également sur ce blogue (et aussi parce que je n’avais pas beaucoup de temps pour préparer un nouvel article, alors j’ai fait une pierre deux coups). En bon prédicateur réformé baptiste que je suis, voici ma réponse en trois points…

J’avais l’impression que la citation de Chesterton reflétait bien l’approche réformée. Je ne considère pas la doctrine réformée comme étant fondamentaliste même si les réformés partagent plusieurs doctrines avec les fondamentalistes (souvent ils arrivent au même endroit, mais par un autre chemin).

Voici comment je comprends le fondamentalisme et ce en quoi il diffère de l’approche réformée.

1. Le « littéralisme » biblique
Les fondamentalistes ont tendance à interpréter toute l’Écriture littéralement. Les réformés reconnaissent que l’Écriture renferme plusieurs genres littéraires et qu’il est nécessaire de respecter ces genres pour arriver à la bonne interprétation. L’herméneutique fondamentaliste m’apparaît rigide et simpliste, tandis que l’herméneutique réformée m’apparaît souple et nuancée.

2. La méfiance envers l’intellectualisme et l’académie
Il semble que les fondamentalistes prennent au pied de la lettre les paroles de Jésus: « heureux les pauvres en esprit » et encore celles de l’apôtre Paul: « la connaissance enfle »… Dans les milieux fondamentalistes, il y a une culture de méfiance envers les sciences humaines et parfois même les sciences humaines au service de l’Écriture faites par des chrétiens (archéologie, études littéraires, histoire, critique textuelle, approche historico-grammaticale, etc.). Les réformés, bien qu’ils ne sont pas humanistes ni rationalistes, sont traditionnellement très intellectuels dans leur approche et font beaucoup de place aux approches extrabibliques.

3. Le sectarisme
Les fondamentalistes insistent beaucoup sur la nécessité de la séparation entre l’Église et le monde. Cette insistance se manifeste souvent par un mépris des pécheurs plutôt que par une compassion des perdus. Mais ils vont beaucoup plus loin dans leur poursuite de la pureté (doctrinale et morale): ils se séparent également des chrétiens qui ne pensent pas comme eux. Il existe peu ou pas de dialogue avec les croyants d’autres confessions que la leur. Et, malheureusement, ils ont souvent tendance à traiter les vérités bibliques comme étant toutes égales: ils sont prêts à se diviser autant sur une question de tenue vestimentaire ou de LA version de la Bible à utiliser que sur une question touchant directement l’Évangile ou la doctrine du Christ. Rien ne leur semble «adiaphorique».
Les réformés sont indéniablement confessionnels dans leur approche, mais leur confessionnalisme est utilisé positivement en vue de déterminer dans quelle mesure il leur sera possible de collaborer, avec qui, pour faire quoi. Les convictions doctrinales ont toujours été exprimées de manière forte chez les réformés, mais cela ne les a jamais empêchés d’être en dialogue avec d’autres confessions, même en dehors de la foi chrétienne.

Ainsi, l’aphorisme de Chesterton m’apparaît classer les réformés et les fondamentalistes dans deux catégories bien différentes.

Je ne voudrais pas toutefois paraître méprisant à l’endroit des fondamentalistes, car, bien que je ne partage pas leur approche, je comprends leur façon de voir. Récemment, je suis tombé sur le résumé d’un nouveau livre: The Sword of the Lord, the Roots of Fundamentalism in an American Family. Tout en posant un regard critique sur ce mouvement, nous pouvons aussi apprendre d’eux et en apprécier certains éléments…

Première publication le 15 juillet 2011 @ 10 h 20 min

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  1. Personellement, une chose qui me laisse perplexe avec ces « KJV only » est ceci : se sont-ils jamais demandés comment les non-anglophones font pour lire la Bible ? Comme si la Parole de Dieu ne pouvait exister qu’en anglais. C’est un peu comme les cathos tradis et leur latin.
    Cependant, une chose sur laquelle je dois avouer être plutôt d’accord avec les « fondamentalistes » (terme péjoratif) est leur position sur la tenue vestimentaire à l’église (et dans la vie de tous les jours). Là-dessus, la plupart des congrégations chrétiennes ont perdu leur sens depuis les années 60.

    1. Salut Durandal
      Je crois que les King James « Onlyistes » approuvent les traductions qui sont basées sur le texte reçu, ils rejettent surtout l’idée de la critique textuelle pour établir le texte biblique normatif. La version Ostervale, par exemple, serait acceptable selon leurs standards. La KJV occupe cependant une place particulière dans l’histoire du Texte et est une version, selon eux, parfaitement préservée de toute corruption.

      Voici un bel exemple d’un fondamentaliste, KJV Onlyiste, littéraliste. Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer, mais une chose est certaine… les fondamentalistes ne sont pas des réformés

  2. J’avais entendu parler de cette interdiction faite aux hommes allemands de faire pipi debout en lisant America Alone de Mark Steyn, il semble que c’est un gadget installé sur les toilettes qui réprimande les hommes quand ils lèvent le siège, ce qui a amené une chroniqueuse allemande a écrire un papier intitulé Stehpinkeln: Die Letzte Bastion der Männlichkeit? (je vous laisse aller voir la traduction). C’est certainement un autre témoignage de la féminisation extrême de nos sociétés, mais j’avoue qu’il est plus propice de traiter ce type de « matière » dans une analyse sociologique que dans le cadre d’un sermon théologique.

    Pour revenir aux KJV onlyistes, le textus receptus est le texte basé sur les traductions faites depuis les manuscrits hébreux grecs (plutôt que la Vulgate latine), non ? Alors dans ce cas en anglais il n’y a pas que la KJV qui « qualifie » mais également la Bishop’s Bible de 1568/72 et surtout la Geneva Bible de 1560, qui était tellement prisée des puritains auxquels la monarchie a mis un demi-siècle a faire accepter la KJV de 1611. Et il me semble que les traduction ultérieures n’étaient pas plus basées sur la vieille Sacra Vulgata

    En tout les cas, quand j’étais à Oxford il y a deux mois, j’ai visité une exposition à la Bodleian Library commémorant le 400e de la KJV (et dressant une histoire de la Bible anglaise), très intéressant.

    Manifold Greatness

  3. « Interpellant » ou « scandalisant », les Evangéliques ? | PEP'S CAFE !
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  4. Merci frère pour cet éclairage sur la différence entre réformés et fondamentalistes. Il m’éclaire en tout cas sur la manière dont les fondamentalistes sont vus côté réformés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas très flatteur pour eux ! Pour ma part, je suis sensible aux travers dans lesquels peuvent tomber les fondamentalistes, et je tâche de les éviter. Mais je reste, je l’avoue, attaché aux qualités – de mon point de vue – d’un sain fondamentalisme :
    – Une lecture non allégorique de l’Ecriture quand le genre littéraire ne l’impose manifestement pas ;
    – Une suprématie de l’autorité de l’Ecriture elle-même sur la raison humaine (y compris la mienne d’ailleurs !) ;
    – Un amour de la vérité qui se traduit par un souci de fidélité, dans un esprit d’humilité et d’amour pour les frères qui partagent la même foi en Christ, et pour le prochain qui a besoin d’être conduit à Christ.
    Que Dieu me soit en aide pour vivre ce fondamentalisme-là !
    Bien fraternellement en Lui.

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